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Situation dans les territoires temporairement occupés en Ukraine

Projet de déclaration livré par SE Ambassadeur Bob Rae, Représentant Permanent du Canada

Le 23 février, 2022 - Assemblé générale des Nations Unies

Le texte prononcé fait foi

Merci beaucoup M. le vice-président,

Nous nous réunissons alors que la paix et la sécurité de la communauté internationale sont directement menacées. Au cours des derniers mois, nous avons tous observé une intensification sans précédent des activités militaires du gouvernement russe aux frontières de l’Ukraine et dans ce pays. Nous sommes témoins du plus grand rassemblement de troupes, de missiles, de pièces d’artillerie et de capacités aériennes depuis 1945.

Cette période a aussi été marquée, comme l’a souligné mon collègue du Liechtenstein, par des cyberopérations hostiles menées en Ukraine et dans plusieurs autres pays, le déplacement forcé et injustifiable de populations civiles de l’Ukraine vers la Russie, et un flot ininterrompu de propagande et de désinformation venant de Moscou et d’organes sous contrôle russe sur toutes les plateformes de médias sociaux possibles dans le monde.

Voilà maintenant huit ans que la Russie a envahi la Crimée qu’elle occupe illégalement en violation flagrante de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, ainsi que de la Charte des Nations Unies elle-même. En 1945, l’Union soviétique était présente lors de la rédaction et de l’adoption de la Charte. Aujourd’hui, la Russie est un membre d’un « Groupe des amis » - nous connaissons tous des Groupes des amis à l’ONU – un « Groupe des amis de la Charte », de sorte qu’elle connaît très bien les dispositions de la Charte et ce qu’elles signifient.

Donc – il se trouve que j’ai ma copie de la Charte avec moi – que dit la Charte? L’Article II énonce que « L’Organisation est fondée sur le principe de l’égalité souveraine de tous ses Membres ». Qu’est-ce que ça veut dire? Cela signifie qu’il n’y a pas d’États de seconde classes dans cette organisation. Il n’y a pas personne à l’arrière du bus aux Nations Unies. Il n’y a pas de nation qui soit moins intégrale ou moins souveraine qu’aucune autre nation. C’est ce que ça signifie, c’est ce que « l’égalité souveraine » signifie.

L’Article Il se poursuit ainsi « Les Membres de l’Organisation règlent leurs différends internationaux par des moyens pacifiques, de telle manière que la paix et la sécurité internationales ainsi que la justice ne soient mises en danger. »  Donc quand nous disons s’abstenir, dialoguer, désamorcer, nous ne demandons pas à quelqu’un de nous faire une faveur, nous lui demandons de faire ce qu’il s’est réellement engagé à faire. Et ceci est le défi.

Et finalement, « Les Membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’Independence politique de tout État, soit de tout autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies ». Ceci n’est pas une option. Ceci n’est pas quelque chose à dire, bien si vous souhaitez le faire, vous voudrez peut-être envisager de le faire de cette façon. Nous ne demandons à aucun Etat-nation, a aucun Etat membre, de nous rendre service. Nous leur demandons de suivre les règles et de respecter la loi.

Malgré ces engagements solennels, la Russie a fait tout son possible pour porter atteinte à la souveraineté et à l'intégrité territoriale de son voisin, l'Ukraine. Dès son accession à la présidence de son pays, le président Poutine a clairement indiqué qu'il n'acceptait pas que l'Ukraine soit une nation autonome et souveraine. Et c’est exactement ce qu’il a répété lundi. Il y a deux jours, il a dit la même chose.

Au cours de ces dernières années, la Russie a continué à déstabiliser l'Ukraine et la sécurité régionale. C’est pourquoi le Canada condamne fermement le soutien de la Russie aux formations armées dans le Donbas. Les actions de la Russie dans cette région ont eu de graves conséquences. Elles ont entraîné la mort de plus de 13 000 personnes, dont plus de 3 000 civils, et le déplacement interne de 1,5 million d'Ukrainiens. De nombreux autres Ukrainiens ont besoin d'aide humanitaire.

Nous sommes maintenant sur le seuil d'une situation encore plus dévastatrice, et malgré ses dénégations, sa campagne de désinformation, ses fabrications, ses mensonges et sa propagande, la Russie doit accepter la responsabilité des pertes des vies humaines, de la destruction de la paix, et du chaos qu'elle a créé.

Nous condamnons avec vigueur la reconnaissance par la Russie des prétendues « républiques populaires » de Donetsk et de Louhansk et sa décision de faire pénétrer des troupes en Ukraine sous prétexte qu’ils appellent « maintien de la paix », mais que toute autre personne qui comprend le sens du langage appellerait « faire la guerre ». Ce ne sont pas des « soldats de la paix », ce sont des soldats qui sont là pour envahir. Ces mesures enfreignent plusieurs traités et accords internationaux dont la Russie est signataire, y compris les accords de Budapest, les accords de Minsk et surtout la Charte. Ces traités s’accompagnent d’obligations – des obligations que la Russie rejette clairement.

Comme nous le démontrons aujourd’hui, le Canada et la communauté internationale sont unis et inébranlables dans leur volonté de soutenir l’Ukraine et son peuple. Nous prenons des mesures pour faire face à la situation, y compris des sanctions économiques. Si la Russie continue d’aggraver les tensions, nous agirons avec encore plus de sévérité. La Russie et ses acolytes peuvent chercher à manipuler et à déformer les faits autant qu’ils le voudront, ils n’en demeurent pas moins les auteurs des atteintes au droit international, et ils sont entièrement responsables des pertes de vie, des blessures, de la douleur et des souffrances causées. Comme on l’a dit déjà, ceci est le choix du Président Poutine. Nous riposterons à toute autre atteinte à la Charte des Nations Unies collectivement avec nos alliés, et avec une grande détermination.

Il n’est jamais trop tard pour arrêter, pour se tourner vers la diplomatie, le dialogue et la négociation. Avec ses partenaires en Europe, à l’OTAN, et à l’OSCE, le Canada a clairement indiqué et je répète aujourd’hui que nous sommes prêts à discuter directement de réductions mutuelles des menaces pour la paix en Europe, afin d’assurer la paix, la prospérité et le progrès pour tous ceux qui vivent dans cette région ayant déjà connu trop d’épreuves, trop de tragédies et trop de pertes de vies au siècle dernier.

Nous demeurons fermement attachés au respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance de l’Ukraine. Il est clair que les agissements de la Fédération de Russie menacent la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine et portent atteinte à l’ordre international fondé sur des règles. Les gestes hostiles de la Russie doivent cesser. L’Ukraine n’est pas une erreur. L’Ukraine est une nation souveraine. Son autonomie doit être respectée et son intégrité territoriale rétablie. C’est une décision solennelle et mûrement réfléchie des Ukrainiens d’aspirer à la liberté et à la prospérité comme ils l’entendent.

La plupart d’entre nous ont fait référence au discours du président Poutine de lundi. J’ai remarqué que mon collègue de la Fédération de Russie s’en est abstenu. Mais dans son discours il est clair qu’il a nié l’existence de l’autre, et de ce fait, il est devenu évident pour le monde entier qu’il ne s’agit pas de l’OTAN, il ne s’agit pas the l’Union européenne, il s’agit de l’existence et du droit à l’existence d’un état membre de cette organisation.

Monsieur le Président, chacun des États membres présents ici aujourd’hui, nous tous, chacun d’entre nous, a l’obligation d’assurer le respect de l’intégrité territoriale des autres États, de s’opposer aux invasions et de préconiser un règlement pacifique des différends. C’est ce à quoi nous nous sommes engagés. Nous ne nous sommes pas engagés seulement pour nous. Nous n’avons pas dit que cela s’applique à nous mais ne s’applique à personne d’autre. Cela s’applique à nous tous, peu importe que vous soyez grand ou petit. Cela s’applique à chacun d’entre nous. Aucune nation, aussi puissante soit-elle, ne peut s’élever au-dessus des lois. Aucune nation a le doit d’employer sa force pour écraser les droits des autres.

En tant que fier Canadien, je peux dire que nous avons œuvré pour la paix dans un esprit de justice en Corée, nous avons travaillé fort durant la crise de Suez en 1956, de même que lorsqu’il a affirmé qu’il n’y avait pas de fondement juridique à l’invasion de l’Irak en 2003. De telles décisions ne furent pas faciles, elles n’étaient pas nécessairement populaires dans tous les milieux, ni même chez certains de nos alliés, mais elles étaient fondées dans notre attachement à la primauté du droit, aux règles, à la décence élémentaire et au multilatéralisme, qui fait désormais partie de notre ADN. 

Nous devons nous souvenir que l’invasion et la guerre s’accompagnent de pertes et d’épreuves terribles. Il n’y a là rien à célébrer ni triomphe avec ces guerres, mais uniquement la misère, la pauvreté et un douloureux sentiment de perte irréparable. On a beaucoup parlé d’héritages. Soyons clairs, ce sera là le seul héritage des responsables de ce conflit qui pourrait être complètement évité.

Tous les pays qui se sont affranchis du joug de la tyrannie, communisme et impérialisme, ils partagent ce droit avec l’Ukraine. L’histoire du Canada et les liens que nous sommes fiers d’entretenir avec tous les peuples de l’Europe de l’Est nous ont amenés là où nous en sommes aujourd’hui. Nous sommes des partenaires pour la paix, nous sommes des partenaires dans notre quête pour la sécurité et la prospérité, et des partenaires dans les efforts visant à bâtir un monde où les nations sont unies par leurs relations amicales et pacifiques et leur attachement commun à la démocratie et à la primauté du droit.

M. le président, pour conclure, je dirais ceci : dans les jours les plus sombres de la seconde guerre mondiale, on dit qu’un représentant du gouvernement des Etats Unis, Harry Hopkins, a eu une réunion avec Winston Churchill, et à la fin de la réunion il a dit, « Où vous allez, j’irai. Où vous logez, je logerai. Votre peuple sera mon peuple. »

Alors le Canada dit à l’Ukraine et a tous ceux qui sont interpellés, « Où vous allez, nous irons. »

Merci M. le président.

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