11e session extraordinaire d’urgence de l’Assemblée générale des Nations Unies
Déclaration de Son Excellence l’ambassadeur Bob Rae, représentant permanent du Canada
Le 28 février 2022 - Assemblé générale des Nations Unies
Le texte prononcé fait foi
M. le Président. M. le Secrétaire-général. Distingués délégués.
Nous nous réunissons à une heure grave.
La Fédération de Russie, membre permanent du Conseil de sécurité, a lancé une guerre d'agression illégale et injustifiable contre la souveraineté, l'intégrité territoriale et l'indépendance politique d'un autre État membre de l'ONU, l'Ukraine.
Les actions de la Russie constituent une violation flagrante de la Charte des Nations Unies, de ses objectifs et de ses principes:
- L'égalité souveraine de tous les États.
- Le droit de tous les peuples à l'autodétermination.
- Le règlement pacifique des différends et l'interdiction du recours à la force.
En lançant cette guerre, la Russie cherche à détruire la liberté d'un peuple et d'une nation qui est souveraine, indépendante et intégrale.
C'est une guerre basée sur le désir du président Poutine d'un retour à l'impérialisme colonial. Ce sont des jours contre lesquels les membres des Nations Unies luttent depuis des générations.
Et encore la Russie a empêché le Conseil de sécurité de s'acquitter de son devoir fondamental: protéger la paix et la sécurité du monde.
Nous sommes ici parce que la Russie a une fois de plus utilisé son droit de veto, que nous pensons est toujours illégitime, comme elle l'a fait en de nombreuses autres occasions.
Et la Russie menace maintenant l'Ukraine, l'Europe et le monde entier d'utiliser des armes nucléaires, en violation directe de la déclaration commune des dirigeants des cinq membres permanents du Conseil ce janvier.
M. le Président,
C’était en janvier de cette année que les cinq membres permanents ont décidé qu’un recours à l’option nucléaire, à la menace nucléaire, à la possibilité nucléaire n’était pas avisé. Ils ont admis que nul ne pouvait vaincre lors d’une telle confrontation.
Quelques jours plus tard, le Président Poutine a annoncé qu’il allait recourir à cette menace. Exactement le contraire de ce qu’il avait promis six semaines auparavant.
Donc nous voici. Avec une guerre qui représente une menace pour nous tous.
La résolution proposée aujourd’hui nous donnera l’occasion, en tant que membres de l’Assemblée générale, de défendre un peuple libre et de combattre l’idée malveillante selon laquelle le plus fort fait la loi.
Nous devons tous agir.
Le Canada exhorte tous les États membres des Nations Unies à condamner sans équivoque les gestes de la Russie et à voter en faveur de la résolution proposée aujourd’hui à l’Assemblée.
La Russie n’a pas été la seule à saper ces normes et ces règles fondamentales, Monsieur le Président.
Le Bélarus a lui aussi rejeté ses obligations en vertu de la Charte des Nations Unies et du droit international.
En permettant à la Russie d’utiliser son territoire pour lancer des attaques et envahir l’Ukraine, le Bélarus se fait complice de la Russie dans sa guerre d’agression illégale.
La décision du Bélarus d’envoyer ses forces en Ukraine et de révoquer son statut non nucléaire est absolument inacceptable pour nous, et est complètement incompatible avec ses obligations en vertu de la Charte des Nations unies.
Monsieur le Président, ces actes, nous devons également les sanctionner.
Alors que la Russie a intensifié son attaque injustifiable contre l’Ukraine, ses forces ont encerclé et bombardé des villes ukrainiennes, ciblant et tuant des civils ukrainiens innocents, des enfants, des femmes, des hommes.
Ils bombardent des hôpitaux, des écoles, des crèches, des appartements, des maisons.
Ils pillent et déplacent de force les civils; plusieurs centaines de milliers de personnes ont fui, dans des températures glaciales, pour trouver refuge au-delà des frontières de l’Ukraine.
Des rapports crédibles indiquent que les forces russes utilisent des armes interdites, notamment des bombes à fragmentation, et imposent une guerre de siège aux villes ukrainiennes.
Ce ne sont pas des nouvelles de la semaine dernière. Ce sont les nouvelles de ce matin. Des photos, et on peut voir sur les médias sociaux ce qui se passe, et c’est très différent des guerres que l’on a vues par le passé.
Nous savons ce qui se passe en temps réel. Et c’est absolument odieux.
Monsieur le Président, permettez-moi d’être très clair : ces actes pourraient constituer des crimes de guerre au regard du droit humanitaire international.
Ces actes découlent directement de décisions prises par le président Poutine et son cercle restreint, facilités par le Belarus et exécutés par les forces armées russes et ses mandataires.
Ces crimes ont commencé par une idée. Quelle était cette idée? Nous n’avons pas besoin de l’inventer. Nous n’avons qu’à lire les discours du président Poutine, et regarder ses allocutions.
L’idée qu’un groupe de personnes est inférieur, inégal et indigne de la protection de la loi. L’idée qu’un peuple n’existe pas, ou n’a pas le droit d’exister. Qu’il n’a pas le droit d’être lui-même. Qu’il n’a pas le droit à sa propre nation, son propre pays. Qu’il n’a pas de protection en vertu de la Charte.
La façon dont Vladimir Poutine décrit la nation ukrainienne et ses partisans depuis de nombreuses générations correspond à cette description. Et c’est cette idée qui est au cœur des actes qui ont suivi. Parce que les actions n’émanent pas du vide. Elles viennent d’une idée.
Plus encore, avec une terrible ironie: le président Poutine a perverti la Convention sur le génocide, en alléguant qu’un « génocide » a été commis en Ukraine.
Je tiens à souligner qu’aucune allégation de ce type n’a été corroborée par les Nations Unies ni par une organisation indépendante. Comme mon collègue du Brésil l’a mentionné, dans son intervention avant la mienne : s’il y a des plaintes, et de façon évidente il y en eu, dans cette salle ou au Conseil de sécurité, concernant le traitement de la minorité russe en Ukraine, même si ces plaintes étaient complètement justifiables, elles ne constituent pas une excuse pour une guerre ou pour l’agression dont nous avons été témoins.
L’Ukraine a déposé sa propre requête en vertu de la Convention sur le génocide auprès de la Cour internationale de justice. Le Canada prend les allégations déposées par l’Ukraine avec le plus grand sérieux, comme nous prenons au sérieux la décision du Procureur de la Cour pénale internationale de commencer une enquête pour des crimes potentiels contre l’humanité. Ces décisions ne sont pas prises à la légère, et sont lourdes de conséquences.
Permettez-moi d’insister : c’est à la Cour pénale internationale que ces allégations doivent être traitées, pas sur le champ de bataille, ni par une agression unilatérale. C’est pour cette raison que nous avons signé la Charte. Nous l’avons signé parce que nous avons décidé d’être assujettis nos différends à des processus que nous avons créés au cours de plusieurs années de débats ardus, qu’arrive-t-il en cas de profonde différence d’opinion entre États. Nous n’allons pas à la guerre. Nous allons à la table de négociation. Nous allons en cour. Nous allons en médiation. C’est la façon de résoudre les différends. L’alternative serait de la folie.
Le Canada et ses alliés ne ménageront aucun effort pour que les violations du droit international en Ukraine fassent l’objet d’une enquête, que la preuve soit amassée, et que les auteurs de ces violations soient tenus responsables.
Nous le faisons non seulement parce que nous sommes convaincus que le cours de l’histoire tend vers la justice.
Nous le faisons parce que nous le devons aux Ukrainiens soumis à cette guerre horrible, et ils méritent mieux, et ils méritent plus.
Monsieur le Président, je voudrais m’adresser directement au peuple et au gouvernement courageux de l’Ukraine :
Vous nous inspirez.
Nous sommes à vos côtés.
Et vous n’êtes pas seuls.
Notre soutien à l’Ukraine, votre pays, à la démocratie ukrainienne, et à votre droit de choisir votre propre avenir en Ukraine reste inébranlable.
Le Canada fera tout ce qui est en son pouvoir pour vous aider à tenir bon et à défendre votre patrie contre cette terrible agression russe.
Avec nos partenaires, nous veillerons à ce que le président Poutine et ceux qui ont ordonné, mis en œuvre et permis cette guerre irresponsable continuent de faire face à des coûts importants – et soient tenus responsables de leurs actes.
Votre combat est maintenant notre combat. Et nous sommes avec vous.
Monsieur le Président, je voudrais également m’adresser directement au peuple russe :
Aux manifestants russes qui protestent courageusement contre la guerre et qui ont fait l’objet d’une répression brutale et d’arrestations arbitraires aux mains de la police antiémeute.
Aux milliers de citoyens russes qui ont écrit des lettres condamnant la décision irréfléchie du président Poutine.
À tous les Russes, en Russie et à l’étranger, qui s’opposent à cette guerre insensée. Et vous êtes des millions.
Le Canada, et le monde entier, vous voient. Nous vous entendons.
Votre président, Vladimir Poutine, s’est lourdement trompé dans ses calculs. Il a ignoré l’esprit démocratique et respectueux des lois du peuple russe. Il a sous-estimé les courageux Ukrainiens qui défendent leur pays contre une agression. Et il a lourdement sous-évalué la détermination du monde à se dresser contre à lui.
Quels que soient les mensonges proférés ici aujourd’hui pour tenter de justifier l’injustifiable et d’expliquer l’inexplicable, c’est la guerre choisie par le président Poutine qui vous rend la vie plus difficile.
Il est toujours temps d’emprunter le chemin de la désescalade et du dialogue. Votre président doit choisir cette voie.
S’il ne le fait pas, je crois que cela vous montrera tout le mépris qu’il a pour vous, pour l’avenir de votre pays et de la planète sur laquelle nous vivons, ensemble.
Monsieur le Président,
Nous le disons ensemble : Président Poutine : arrêtez cette guerre. Arrêtez-la avant qu’il y ait plus de morts, plus de douleur et plus de souffrances.
Cessez d’utiliser les menaces.
Éloignez votre doigt du bouton nucléaire. Et ne l’approchez pas pour autant que vous serez en vie.
Regardez la réalité en face, comme vous l’avez fait dans des moments plus sérieux et rationnels.
Monsieur le Président, il n’est jamais trop tard pour arrêter; il n’est jamais trop tard pour emprunter la voie de la diplomatie, du dialogue et de la négociation.
L’autre voie est impensable.
Il nous appartient maintenant à tous, en tant que membres égaux des Nations Unies, comme je l’ai dit auparavant, c’est ce à quoi nous nous sommes engagés lorsque nous sommes devenus membres de cette organisation.
Nous devons défendre les objectifs et les principes de la Charte, et soigner les blessures et la douleur causées par cette guerre d’agression injustifiée.
Cette responsabilité nous incombe maintenant, et à personne d’autre. Nous siégeons ici et nous devons prendre des décisions. Nous devons prendre tous les moyens possibles. Un pas vers la paix, la réconciliation et la justice. C’est maintenant notre responsabilité à l’Assemblée générale.
Et nous devons saisir ce moment, ce moment pour la responsabilité, la justice, la démocratie, nous devons le saisir ensemble.
Je vous remercie M. le Président.
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