69e session plénière de l’Assemblée générale des Nations Unies
Déclaration by S.E. M. Bob Rae, Ambassadeur et représentant permanent du Canada auprès des Nations Unies suivant l’adoption de “l’initiative du veto” – Mandat permanent permettant à l'Assemblée générale de tenir un débat en cas de recours au droit de veto au conseil de sécurité (A/76/L.52)
Le 26 avril 2022 – Assemblée générale des Nations Unies
Le texte prononcé fait foi
Merci Monsieur le Président.
En tant que co-parrain, je voudrais remercier le Liechtenstein et l'Ambassadeur Wenaweser du Liechtenstein pour son travail inlassable pendant plus de deux ans sur cette initiative si importante. Cela témoigne de la contribution essentielle de tous les Membres au travail efficace de l'ONU.
Monsieur le Président,
L'Assemblée générale s'est exprimée aujourd'hui avec autorité. Nous n’avons pas eu de vote, mais ça représente pourtant un consensus qui reflète l'attente que nous, membres de l'assemblée générale, avons envers le Conseil de sécurité qui agit en notre nom pour maintenir la paix et la sécurité internationales. Nous attendons plus et mieux, et nous l'avons fait savoir très clairement aujourd'hui.
Monsieur le Président,
Je ne sais pas ce que je pourrais dire de plus éloquent sur le veto que ce qui a été dit par mon collègue du Mexique que je félicite pour sa description du problème. Je me fais également l’écho de mon collègue du Costa Rica et de la Turquie.
Je voudrais ajouter ceci : le pouvoir de veto détenu par les cinq membres permanents du conseil de sécurité est aussi anachronique qu’il est anti-démocratique.
Le veto a empêché le conseil de sécurité de faire son travail. Je ne suis absolument pas d’accord avec le délégué de la Russie qui a dit qu’il pensait que c’était le veto qui permettait au conseil de sécurité de faire son travail. Non, au contraire, cela empêche le conseil de sécurité de faire son travail.
L’impasse actuel sur l’Ukraine se produit précisément au moment où le monde a le plus besoin des Nations Unies et du conseil de sécurité.
Le recours ou la menace de recours au veto dans des situations où des crimes de masse sont perpétrés comme en Syrie ou au Myanmar par exemple, à Marioupol ou dans des situations où un membre permanent du conseil de sécurité a lancé une guerre d’agression contre un autre membre des Nations Unies, comme la Fédération de Russie le fait à l’heure actuelle contre l’Ukraine, n’est pas seulement honteux c’est également contraire aux obligations fixées par la Charte, contraire au droit international, ainsi qu’à notre engagement envers le principe de la responsabilité de protéger. Un principe accepté non seulement par l’assemblée générale mais aussi par le conseil de sécurité.
Y compris les membres permanents qui disposent du droit de veto au conseil de sécurité, personne n’est au-dessus de la loi, personne n’est au-dessus de la loi. La loi est au-dessus de chacun d’entre nous.
Il est donc juste et nécessaire que l’assemblé générale convoque désormais automatiquement un débat chaque fois qu’un veto est utilisé au conseil. Je me permets de dire que les membres permanents du conseil de sécurité n’auront personne à blâmer qu’eux-mêmes pour leur conduite si l’assemblée générale se sent obliger aujourd’hui d’adopter ces mesures.
L’assemblée générale elle-même a son mot à dire dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Avec le reste des organisations Nations Unies, nous avons l’obligation en tant que l’assemblée générale, d’agir lorsque le conseil de sécurité s’est lui-même exclus. Comme la Cour internationale de justice l’a établi, le rôle premier du conseil de sécurité ne signifie pas que ce rôle est exclusif.
C’est précisément pour cette raison que la résolution adoptée aujourd’hui peut nous aider à créer quelque chose de très important, une organisation moins exclusive. Un lieu où tous les membres, les 193 membres de l’assemblée générale seront désormais entendues lorsqu’un veto sera utilisé au conseil de sécurité. C’est un moment à marquer d’une pierre blanche pour la transparence pour l’équité et pour l’égalité aux Nations Unies.
Nous avons vu ce qui s’est passé la dernière fois que le veto a été utilisé dans le cas de l’agression non provoquée d’un membre de cette assemblée, l’Ukraine, par la Fédération de Russie. Nous savons désormais que le recours au veto peut de fait exclure le conseil de sécurité, mais on ne peut pas exclure ou plonger totalement dans l’impasse la totalité des Nations Unies. Nous devons nous montrer capables d’être souples, d’être innovants, nous devons être capables de changements. Lorsque quelque chose est cassé, et refuse toute solution, nous devons nous montrer capables d’agir ensemble. Aucun état membre n’a le droit d’infliger le chaos ou la paralysie au monde entier, ou aux Nations Unies ou à l’assemblée générale.
Nous savons qu’au cœur des NU il existe une Charte avec un déséquilibre inhérent, comme Georges Orwell l’aurait peut-être dit, d’ailleurs je recommande à tous les membres de relire Orwell actuellement, parce qu’il a beaucoup de choses à nous apprendre. Donc si Orwell vivait aujourd’hui, il dirait « je suppose que tous les états membres sont égaux mais certains sont plus égaux que d’autres ». Voilà le dilemme posé par la Charte : ce que l’article 2 nous donne, l’article 27 nous le reprend. Voici le dilemme avec lequel nous sommes confrontés depuis 1945.
Nous ne réussirons peut-être pas totalement à éliminer ce déséquilibre parce que comme nous le savons tous, les membres permanents peuvent opposer un veto à la réforme de la Charte. Mais nous devrions néanmoins nous efforcer de parvenir à l’abolition du veto, cela doit être notre objectif.
En attendant, nous devons continuer de prendre des mesures comme nous l’avons fait aujourd’hui pour continuer de circonscrire, définir et limiter le recours au veto, ou au moins, relever le coût lié à son usage, en particulier dans les situations où la paix et la sécurité mondiales sont en jeu, ou alors lorsque des atrocités criminelles sont commises ou menacent d’être commises.
M. le Président, alors que nous débattons aujourd’hui, vous pouvez voir à la télévision, sur votre téléphone, partout où vous trouvez les informations, vous pouvez voir la destruction de villes. Nous voyons des femmes des enfants assassinés, la destruction de l’infrastructure d’un pays entier, et un pays qui se bat pour se défendre. Le conseil de sécurité n’est peut-être pas en mesure d’agir mais cela ne nous empêche pas nous de nous donner les moyens d’agir. Le monde nous regarde et le monde attend de nous que nous agissions, alors nous devons agir.
Je vous remercie.
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