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Déclaration de Matera sur la sécurité alimentaire, la nutrition et les systèmes alimentaires - Un appel à l’action à l’heure de la pandémie de COVID-19 et au-delà

 

  1. Nous, ministres des Affaires étrangères et du Développement du G20, représentants des agences des Nations Unies et autres partenaires, nous sommes réunis ici à Matera pour contribuer à renforcer les efforts internationaux visant à contenir les effets de la pandémie sur les vies et les moyens de subsistance des personnes et à mieux construire l’avenir. Nous sommes profondément préoccupés par l’état de l’insécurité alimentaire dans le monde. Le nombre de personnes touchées par la faim sur la planète est en hausse depuis 2014. Le monde n’est pas en voie de parvenir à éliminer la faim (faim « zéro ») d’ici 2030 et de mettre fin à la malnutrition sous toutes ses formes, conformément aux Objectifs de développement durable (ODD) du Programme 2030. Compte tenu des tendances actuelles, le nombre de personnes touchées par la faim dépasserait les 840 millions d’ici 2030. Ces chiffres ne tiennent pas compte du bilan de la pandémie de COVID-19, qui risque ajouter plus de 100 millions de personnes au nombre total de personnes sous-alimentées dans le monde, étant donné les conséquences des pertes d’emplois et de revenus sur la sécurité alimentaire. Cette situation a exacerbé de multiples crises et obstacles structurels, en particulier dans les pays en développement et les pays les moins avancés, ce qui a aggravé les répercussions pour toutes les personnes, en particulier sur les femmes partout dans le monde.
  1. Nous reconnaissons que la réduction de la pauvreté, la sécurité alimentaire et les systèmes alimentaires durables sont essentiels pour éradiquer la faim, favoriser la cohésion sociale et le développement des communautés, réduire les inégalités socio‑économiques entre les pays et à l’intérieur des pays, développer le capital humain, faire progresser l’égalité entre les hommes et les femmes, renforcer le pouvoir des jeunes, et promouvoir dans l’ensemble une croissance économique inclusive et le développement durable. Déterminés à contribuer à la Décennie d’action axée sur l’atteinte des ODD, nous convenons de réaliser les priorités en matière de sécurité alimentaire en redoublant d’efforts pour assurer une nutrition sûre et adéquate pour tous, mettre fin à toutes les formes de malnutrition, préserver la biodiversité agricole, ainsi qu’en nous appuyant sur la science, l’innovation, les pratiques commerciales avancées et un comportement responsable pour compléter les connaissances traditionnelles, la culture alimentaire locale et les pratiques exemplaires afin d’atteindre les cibles de l’ODD no 2. La réalisation de ces objectifs nécessite une action collective et une conduite concertée au niveau mondial, ainsi qu’une démarche centrée sur les personnes. Le G20 est bien placé pour assurer la conduite de ces efforts, tout en favorisant l’inclusion de l’ensemble des intervenants, privés et publics, et en menant des programmes ambitieux, mais concrets et réalisables. Pour accroître la résilience et prévenir de futures crises, il faut des politiques nouvelles et novatrices et des investissements responsables dans l’agriculture, l’aménagement du territoire et des systèmes durables et résilients de gestion des aliments, des sols et de l’eau, ainsi que la prise de mesures en amont pour atténuer les répercussions des chocs, y compris dans les situations de conflit.
  1. Nous appelons donc tous les acteurs pertinents, dans nos pays et au-delà, à prendre les mesures suivantes, nécessaires de toute urgence pour sortir de la crise, notamment en intensifiant la coopération Nord-Sud, Sud-Sud et triangulaire, dans le but de libérer le monde de la faim et de la malnutrition, de concrétiser le droit à une alimentation adéquate, de réduire la pauvreté et de promouvoir des sociétés justes, pacifiques et inclusives. En nous appuyant sur les engagements antérieurs du G20 relatifs à la sécurité alimentaire et à la nutrition, nous nous engageons à travailler avec les pays en développement pour faire progresser, par des actions collectives, multilatérales et bilatérales, les priorités suivantes, conformément aux priorités et objectifs politiques nationaux.
  1. Prendre des mesures efficaces pour renforcer le pouvoir des femmes et des jeunes dans tout le continuum rural-urbain. Alors que les femmes et les jeunes ont été en première ligne de la riposte à la pandémie, des reculs ont été observés partout dans le monde au chapitre de l’égalité des genres, de l’éducation et des possibilités de travail décent pour les femmes et les jeunes, en particulier dans les régions rurales et se trouvant dans des situations vulnérables. Nous soulignons donc la nécessité d’adopter des politiques, d’offrir de l’assistance technique, de renforcer les capacités et d’effectuer des investissements pour créer de nouvelles occasions de travail décent et d’entrepreneuriat agricole pour les femmes et les jeunes et aider à renforcer leur pouvoir en tant que participants actifs et décideurs à tous les niveaux des systèmes et institutions alimentaires.
  1. Renforcer les mesures et les programmes de protection sociale, en mettant l’accent sur les personnes vivant dans une situation vulnérable, dont une grande partie dépendent du secteur agricole et alimentaire pour leur subsistance. Cela comprend l’aide alimentaire d’urgence et les filets de sécurité, les programmes de transfert en espèces et en nature s’il y a lieu, les programmes d’approvisionnement locaux et les programmes d’alimentation scolaire le cas échéant, les programmes de nutrition maternelle et infantile, les banques alimentaires, qui s’approvisionnent dans la mesure du possible en aliments biodiversifiés produits localement et adaptés à la culture alimentaire locale, et d’autres interventions axées sur les travailleurs du secteur informel, en accordant une attention particulière à la prise de mesures efficaces en faveur de l’égalité des femmes, des jeunes, des personnes handicapées et des personnes en situation de vulnérabilité, qui renforcent leur autonomie et leurs moyens d’agir. Dans ce contexte, nous saluons les initiatives et les efforts pertinents de tous les intervenants œuvrant à la protection sociale, y compris par la mobilisation de ressources techniques et financières, ainsi que le travail accompli par le Programme alimentaire mondial (PAM), avec d’autres partenaires, en vue de former une coalition mondiale pour l’alimentation scolaire.
  1. Accroître les investissements susceptibles d’exercer un effet catalyseur à l’appui de la sécurité alimentaire, de la nutrition, et de l’aménagement du territoire et de systèmes alimentaires durables, dans le cadre de l’important financement d’urgence lié à la COVID-19, ainsi que des plans et des mesures de relance nationaux à plus long terme, d’une façon conforme aux obligations découlant de l’OMC et en tenant compte des Principes volontaires du Comité de la sécurité alimentaire mondiale pour un investissement responsable dans l’agriculture et les systèmes alimentaires. Tous les acteurs concernés de l’architecture financière internationale et de l’écosystème financier ont un rôle à jouer, selon leur mandat respectif, pour rendre le financement durable plus accessible et mobilisable dans le secteur agroalimentaire, afin de véritablement permettre aux petits exploitants agricoles et familiaux, aux pêcheurs, aux pasteurs, aux agro-entreprises, aux coopératives et aux autres opérateurs des chaînes de valeur alimentaires d’investir davantage dans des systèmes alimentaires durables, en particulier dans les pays en développement et les pays les moins avancés. Les politiques et les ressources publiques, telles que les marchés publics et les fonds des banques publiques de développement, peuvent contribuer à remédier aux défaillances du marché et à offrir une plus grande tolérance au risque que les autres institutions financières, ce qui stimule également les investissements privés responsables et le financement mixte afin d’améliorer la sécurité alimentaire, la nutrition et l’efficacité des chaînes de valeur alimentaires, d’accroître la productivité, la capacité, le capital de gestion, l’accessibilité aux marchés, les revenus et la résilience des petits exploitants agricoles et des pêcheurs, de soutenir les jeunes entrepreneurs et les possibilités et conditions de travail décentes, ainsi que de promouvoir l’innovation dans les technologies et les pratiques afin de favoriser des systèmes alimentaires durables. À cet égard, nous nous félicitons de la création, dans le cadre de l’initiative « finance en commun », du groupe de travail sur le financement de systèmes alimentaires durables, dirigé par le Fonds international de développement agricole (FIDA), qui rassemble des banques publiques de développement, et nous reconnaissons le rôle essentiel joué par le secteur privé pour soutenir les efforts publics visant à améliorer les systèmes agroalimentaires et soulignons l’importance d’accélérer la transformation numérique et l’innovation, en assurant une protection adéquate des droits de propriété intellectuelle et de la confidentialité des données conformément aux cadres juridiques nationaux et internationaux, de même que le transfert volontaire de technologies à des conditions mutuellement convenues dans le domaine de l’agriculture durable et résiliente.
  1. Accélérer l’adaptation de l’agriculture et des systèmes alimentaires aux changements climatiques, étant donné que l’augmentation de la variabilité du climat et des phénomènes météorologiques extrêmes ont des répercussions sur la production agricole et font partie des facteurs à l’origine de l’accroissement de la faim dans le monde, tout en reconnaissant l’importance de l’agriculture durable. Les mesures à cet égard peuvent notamment comprendre des politiques visant à favoriser l’adaptation au territoire et aux besoins des femmes, à promouvoir des systèmes agricoles plus intégrés et des pratiques novatrices, par exemple de méthodes adaptées au climat ou agroécologiques le cas échéant, à préserver la biodiversité pour son apport à la résilience face aux changements climatiques, à accélérer la mise en œuvre des volets des plans d’adaptation liés à l’agriculture et aux systèmes alimentaires, ainsi qu’à encourager un financement efficace relatif au climat pour favoriser l’adaptation aux changements climatiques dans le secteur agroalimentaire des pays en développement, tout en tenant compte des différentes circonstances nationales. Ces efforts nécessitent également une meilleure compréhension et gestion des risques climatiques, en tirant parti de la puissance du secteur privé, des organisations de recherche agricole et des instituts de connaissances locaux, nationaux et internationaux, ainsi qu’en se concentrant sur la gestion et l’utilisation durables des ressources naturelles qui sont essentielles aux systèmes alimentaires.
  1. Maintenir l’ouverture du commerce alimentaire international et renforcer les chaînes de valeur diversifiées mondiales, régionales et locales pour des aliments sûrs, frais et nutritifs. Il est essentiel de maintenir l’ouverture du commerce alimentaire mondial et d’assurer le fonctionnement des marchés alimentaires. Nous soulignons l’importance d’un système commercial multilatéral ouvert, transparent, prévisible et non discriminatoire, conforme aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), pour renforcer la prévisibilité du marché et permettre au commerce agroalimentaire de se poursuivre afin de contribuer à la sécurité alimentaire et à la nutrition. Le commerce international est essentiel pour garantir l’accès aux intrants, aux biens et aux services permettant de produire des aliments sûrs, nutritifs et abordables. Nous continuerons de nous abstenir de prendre toute mesure injustifiée susceptible de restreindre ou de fausser les échanges, qui pourrait entraîner une volatilité excessive du prix des denrées alimentaires sur les marchés internationaux et menacer la sécurité alimentaire et la nutrition d’une grande partie de la population mondiale, notamment les personnes les plus vulnérables vivant dans des environnements où la sécurité alimentaire est faible. Les politiques, la recherche et les investissements devraient également viser à protéger les intérêts des petits agriculteurs et des agriculteurs marginaux, en particulier dans les pays en développement; à améliorer les systèmes de logistique et de distribution interrégionaux ainsi que les liens entre les régions rurales et urbaines; à rendre les économies alimentaires locales plus résistantes aux chocs externes; à améliorer la manutention, le stockage, la transformation et la conservation pour rendre la chaîne de valeur plus efficace et résiliente, réduire les pertes après récolte, les pertes et le gaspillage alimentaires et assurer la sécurité alimentaire; et à rendre les aliments nutritifs plus largement disponibles, accessibles et abordables.
  1. Promouvoir une démarche concertée, fondée sur le principe « Une seule santé » et sur la science, en l’intégrant aux politiques nationales et aux mesures internationales dans le cadre de notre collaboration, de façon à améliorer les résultats en matière de santé publique par une intervention multisectorielle englobant les risques liés à la sécurité alimentaire, les risques de zoonoses et les autres risques sanitaires inhérents à l’interface homme-animal-écosystème, et à fournir des orientations sur la façon de réduire ces risques. En reconnaissant que la santé des personnes et de la planète est indissociable, et en particulier les divers liens entre les systèmes alimentaires et la santé des humains, des animaux et de l’environnement, en suivant une démarche fondée sur la science et les données probantes et en déterminant les facteurs qui peuvent être correctement gérés pour optimiser les retombées et gérer les risques, les épidémies et les autres menaces pour la sécurité alimentaire pouvant être atténuées. Une telle approche favorise la collaboration et les stratégies interdisciplinaires et intersectorielles qui contribuent non seulement à prévenir des maladies (zoonotiques) et l’émergence de la résistance aux antimicrobiens (RAM), mais aussi au développement durable et à la sécurité alimentaire mondiale. Dans ce contexte, nous saluons l’établissement du Groupe d’experts de haut niveau pour l’approche « Une seule santé », récemment formé par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), qui pourra fournir des orientations en vue de l’élaboration de ces stratégies, ainsi que de l’aide pour les mettre en œuvre.
  1. Nous nous engageons à renforcer nos efforts collectifs pour mettre en œuvre cet appel à une mobilisation mondiale, en coordination avec les ministres de l’Agriculture du G20 et les initiatives existantes, et en tirant parti des processus internationaux tels que le prochain Sommet de Tokyo sur la nutrition pour la croissance, la 26e Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CdP26), la 12e Conférence ministérielle de l’OMC et la Conférence des Nations Unies sur la biodiversité à Kunming, ainsi que le Sommet des Nations Unies sur le système alimentaire, qui est susceptible d’améliorer la durabilité des systèmes alimentaires. Nous explorerons un large éventail de mécanismes et de canaux de financement existants pour réaliser les priorités de la Déclaration de Matera, y compris des initiatives multilatérales opérationnelles, telles que le Programme mondial pour l’agriculture et la sécurité alimentaire, l’Initiative pour l’emploi des jeunes en milieu rural du G20 et le Réseau mondial contre la crise alimentaire, ainsi que les programmes de coopération internationale, d’assistance technique et d’aide au développement des donateurs. Nous encourageons les partenaires et les intervenants à se joindre à la Coalition alimentaire lancée par la FAO ou à collaborer avec celle-ci, dont l’objectif est d’établir une alliance mondiale pour déclencher une action concertée en réponse à la COVID-19, en se concentrant sur les priorités thématiques désignées dans cette Déclaration de Matera, lesquelles s’articulent autour de la sécurité alimentaire, de la nutrition et des systèmes alimentaires, et de mobiliser un soutien politique, financier et technique basé sur les besoins et les demandes des pays en développement, en mettant l’accent sur les petits exploitants, les femmes et les jeunes. En tant que mécanisme de collaboration simplifié et souple, la Coalition alimentaire devrait permettre à ses membres de mener des activités de sensibilisation au sujet de la sécurité alimentaire, de la nutrition et des systèmes alimentaires durables, et de promouvoir, sur une base volontaire, la coordination opérationnelle des réponses aux besoins et aux priorités des pays et des régions : horizontalement entre les domaines thématiques, et verticalement du niveau local au niveau mondial, y compris entre toutes les agences des Nations Unies et les organisations internationales concernées; ce qui facilitera également les initiatives novatrices multipartites et multinationales, telles que la mise en œuvre de l’approche « Une seule santé » et les lignes directrices et recommandations politiques volontaires du Comité de la sécurité alimentaire mondiale, le cas échéant.
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