64e séance plénière: Débat sur la responsabilité de protéger et sur la prévention du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité [point 135]
Déclaration de S.E. M. Bob Rae, ambassadeur et représentant permanent du Canada auprès des Nations Unies
New York, 17 mai 2021
Le discours prononcé fait foi.
Monsieur le Président,
Le Canada s’aligne sur la déclaration faite par le Groupe des amis.
Nous faisons aussi fièrement partie des coauteurs de la résolution soumise à l’examen aujourd’hui. J’encourage vivement tous les États membres à voter en faveur.
Monsieur le Président,
Il y a vingt ans, la Commission internationale de l’intervention et de la souveraineté des États publiait son rapport final intitulé La responsabilité de protéger.
Les commissaires ont alors redéfini la souveraineté non pas comme un droit absolu, mais comme une responsabilité à assumer. Et ils ont exposé les responsabilités que nous avons, en tant que communauté internationale, de prévenir les crimes les plus graves et de protéger les populations contre ceux-ci.
Leur rapport a jeté les bases de l’accord capital - et unanime - de cette Assemblée sur la responsabilité de protéger qui a été conclu lors du Sommet mondial de 2005.
Depuis lors, nous avons collectivement approfondi notre compréhension de la R2P. À travers nos succès et nos lacunes, nous avons découvert les nombreux outils dont nous disposons pour prévenir les atrocités criminelles et y riposter.
Pourtant, il y a ceux qui continuent de promouvoir l’idée que la R2P concerne uniquement l’utilisation de la force militaire.
Le principe a été utilisé, et on en a abusé pour justifier une telle action. Mais je dirais que cette notion est fausse, et ce, pour deux raisons:
Premièrement, elle ignore volontairement l’accent sur la prévention que met le principe, ainsi que le large éventail de mesures d’intervention qui sont pacifiques et non coercitives dans le cadre de la R2P.
Deuxièmement, elle fait obstacle à notre accord collectif, conclu ensemble au sein de cette Assemblée et réaffirmé par le Conseil de sécurité et le Conseil des droits de l’homme, selon lequel des mesures pacifiques et préventives doivent être prises en premier recours.
Bien que nous ayons approfondi notre compréhension de la R2P, Monsieur le Président, nous continuons de nous débattre pour passer « de la polémique - et souvent de la paralysie - à l’action », comme la Commission internationale l’a énoncé il y a vingt ans.
Au moment même où nous prenons la parole, des manifestants courageux au Myanmar bravent les balles et les arrestations massives à la suite du coup d’État illégal d’une junte militaire résolue à réprimer brutalement leur droit à la démocratie.
Face à cette violence meurtrière, le peuple du Myanmar plaide pour que la communauté internationale soit à la hauteur de son engagement en faveur de la R2P.
Nous devons avoir recours à tous les outils qui sont à notre disposition pour prévenir de nouvelles violences et atrocités contre les civils au Myanmar. Nous devons montrer au peuple du Myanmar que nous ne l'avons pas laissé tomber.
De même, nous ne devons ménager aucun effort dans la quête de la responsabilité et de la justice.
Je pense, ici, aux innombrables hommes, femmes et enfants syriens dont la vie a été dévastée par la guerre civile.
Pendant 10 années éprouvantes, le Conseil de sécurité a laissé tomber le peuple de la Syrie. Chaque veto exprimé n’a fait qu’aggraver la violence et prolonger les souffrances des civils syriens.
Dans le cas de la Syrie et dans d’autres situations où des atrocités criminelles sont perpétrées, l’usage et la menace d’un veto sont honteux et peuvent être contraires aux obligations de la Charte des Nations Unies et du droit international.
Mais permettez-moi d’être clair, Monsieur le Président.
Les éléments habilitants du régime Assad peuvent protéger les auteurs d’atrocités criminelles en Syrie aujourd’hui. Cependant, la justice pour les crimes internationaux les plus graves, y compris la torture et la violence sexuelle, ne sera pas refusée.
La Cour internationale de Justice, la Cour pénale internationale et le travail des mécanismes d’établissement des faits et commissions d’enquête indépendants sont tous des outils essentiels dans notre quête de responsabilité - en Syrie et ailleurs.
Monsieur le Président,
Nous devons planifier l’obligation de rendre compte dès les premiers jours de notre riposte à toute crise.
Parce que la responsabilité contribue à la prévention. Et la prévention est, et a toujours été, la dimension la plus importante de la R2P.
La Commission de consolidation de la paix et le Fonds pour la consolidation de la paix peuvent être des catalyseurs de la prévention – si on leur en donne le pouvoir et s’ils sont suffisamment financés.
La société civile, les médias locaux et les journalistes, les chefs autochtones et les artisanes de la consolidation de la paix, ainsi que les défenseurs des droits de la personne sont également des agents de prévention puissants.
Et leur travail essentiel est d’autant plus important, alors que nous nous attaquons aux impacts de la pandémie de COVID-19.
La pandémie a mis au jour et amplifié des vulnérabilités dans toutes les sociétés. Dans les sociétés divisées ou dans celles qui sont confrontées à des conflits et à l’insécurité, la pandémie pourrait aggraver les facteurs de risque menant à des atrocités criminelles.
Dans cette pandémie, nous sommes confrontés au test efficace de notre engagement collectif en faveur des droits de la personne et de l’inclusion.
En promouvant et en préservant les droits universels de la personne et en bâtissant des sociétés ouvertes et inclusives, nous ne ferons pas que reconstruire en mieux après la COVID-19. Nous pouvons également nous attaquer aux facteurs de risque qui peuvent conduire à des atrocités criminelles en premier lieu.
Telle est l’essence de la responsabilité de protéger, Monsieur le Président.
Le Canada espère que cette Assemblée poursuivra son examen approfondi de la R2P, et nous remplirons notre rôle dans la mise en œuvre de ce principe.
Merci.
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