Déclaration du Canada à l’intention des États parties de la CABT participant à la réunion des consultations officielles concernant l’article V
Genève, 26 août, 5 au 7 et 9 septembre 2022
Au cours des deux derniers jours, nous avons écouté attentivement les exposés des délégués de la Fédération de Russie, qui prétendaient que les États-Unis avaient soutenu des activités inappropriées à des laboratoires d’analyses biologiques en Ukraine, contrevenant ainsi à la Convention sur les armes biologiques et à toxines (CABT). Nous avons également porté très attention aux réponses formulées par l’Ukraine et les États-Unis. En nous appuyant sur la nature et la crédibilité des documents fournis par les États concernés, nous avons conclu sans ambiguïté que les activités soutenues par les États-Unis en Ukraine cadraient sans équivoque avec l’esprit et la lettre de la CABT et que les allégations non fondées et fallacieuses de la Russie portent atteinte à l’intégrité de la CABT.
Le poète anglais du 18e siècle Alexander Pope a un jour écrit ceci : « celui qui dit un mensonge ne prévoit point le travail qu’il entreprend; car il faudra qu’il en invente mille autres pour soutenir le premier ». Cela semble décrire à juste titre la situation présentée ici. Pour appuyer son allégation fondée sur la désinformation selon laquelle les États-Unis et l’Ukraine ont enfreint les principes de la CABT, la Russie a été forcée de fabriquer et de représenter faussement des dizaines d’autres aspects de la collaboration de longue date dans le domaine biologique entre les États-Unis et l’Ukraine.
Une telle désinformation n’est pas un phénomène nouveau. Dans l’histoire de la CABT, et même avant son existence, plusieurs pays avaient accusé à tort d’autres pays de mener des activités liées aux armes biologiques ou avaient créé de fausses histoires pour camoufler leurs propres efforts à ce chapitre.
En lien avec les présentes consultations, notons que le Canada fut la cible d’une campagne de désinformation relative aux initiatives biologiques en 2011. Comme il est mentionné dans un document de travail soumis dans le cadre de cette réunion (BWC/CONS/2022/WP.5), une collaboration ambitieuse entre le Programme canadien de réduction de la menace liée aux armes de destruction massive et le gouvernement de la République kirgize visant la construction de nouvelles installations pour la santé humaine et animale à Bishek a été l’objet d’une campagne de désinformation agressive, soutenue et complètement sans fondement. La campagne était dirigée par un groupe relativement petit de protestataires, qui, selon le Canada, avaient d’autres motifs et jouissaient de l’appui et des encouragements de parties externes. Comme il est indiqué dans notre document de travail, après cinq années de coopération bilatérale productive concernant ce projet de 60 millions de dollars, le Canada fut critiqué pour la construction d’un « laboratoire de la mort ». De fausses accusations visant l’accord bilatéral entre le Canada et la République kirgize ont été portées et le Canada a été accusé de planifier le développement d’armes biologiques dans le nouveau laboratoire et de déverser de dangereux agents pathogènes dans la République kirgize. Les participants aux consultations entourant l’article V se souviennent peut-être de ces accusations fausses et malicieuses.
Finalement, il n’a pas été possible de poursuivre le projet de laboratoire et la coopération a pris fin. Le résultat est regrettable, puisque le laboratoire aurait procuré à la République kirgize, à la région et au monde entier des avantages énormes sur les plans de la santé et de la sécurité. Cette expérience de désinformation a également eu une incidence sur la décision du Canada de rediriger vers d’autres régions, plutôt que l’Asie centrale, ses efforts de réduction de la menace liée aux armes biologiques et aux activités ayant trait à l’article X.
Comme l’illustre cet exemple, et comme le soulignent également les consultations de cette semaine, les campagnes de désinformation attaquent le cœur d’une disposition essentielle de la CABT, soit l’article X. La diffamation au sujet d’une collaboration transparente et mutuellement profitable entre les États parties pour « l’extension future et I’application des découvertes scientifiques (...) en vue de la prévention des maladies ou à d’autres fins pacifiques », comme le prévoit l’article X, constitue en réalité une attaque à la section 2 du même article, qui stipule que les États parties devraient éviter d’entraver la coopération. En déclarant faussement que la coopération en matière biologique entre les États-Unis et l’Ukraine est inappropriée, la Russie elle-même mine la coopération en vertu de l’article X.
De quelle manière? Quel État partie décidera de mener des activités en vertu de l’article X dans un pays partenaire de la CABT si ces activités peuvent être dénoncées comme étant des activités illicites et inappropriées? Selon ce raisonnement, plusieurs collaborations en cours entre le Programme canadien de réduction de la menace liée aux armes de destruction massive et les pays partenaires pourraient être également remises en question, y compris des projets sur la fièvre de Lassa avec le Nigéria, la maladie à virus Ebola avec le Sierra Leone, ainsi que la fièvre aphteuse et le charbon bactéridien avec le Ghana. De même, les projets que nous appuyons pour renforcer la biosécurité, la biosûreté et la surveillance concernant des agents pathogènes lourds de conséquences au Moyen-Orient, dans les Antilles, en Afrique et dans les 10 pays membres de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) pourraient être ciblés. Nous sommes persuadés que la grande majorité des États parties de la CABT désireront éviter un scénario dans lequel l’avenir d’une collaboration aussi utile, profitable et nécessaire en vertu de l’article X sera remise en question.
Finalement, Monsieur le Président, permettez-nous de relever l’ironie dans le fait que la Fédération de Russie, qui doute de la légitimité d’une collaboration en matière biologique à des fins pacifiques, a participé activement, comme l’ont souligné hier l’Ukraine et les États-Unis, à des activités semblables en tant qu’ancien membre du Centre international des sciences et de la technologie (CIST) et du Partenariat mondial contre la prolifération des armes de destruction massive et des matières connexes. Grâce à ces initiatives, le Canada a soutenu plusieurs projets exécutés dans des laboratoires d’analyses biologiques en Russie, y compris à des installations impliquées dans le programme offensif d’armes biologiques de l’Union soviétique, qui concernaient des travaux semblables à ceux mis en doute par la Russie cette semaine. Notons en outre que le CIST lui-même a récemment publié une déclaration, que l’on peut consulter sur son site Web, et qui énonce notamment ce qui suit :
« Dans le cadre de sa campagne de désinformation continue, la Fédération de Russie a accusé le CIST, ainsi que son pendant, le Centre ukrainien des sciences et de la technologie (CUST), de participer au développement d’armes biologiques. Ces accusations découlent de la tentative absurde du gouvernement russe de fournir une justification plausible pour sa guerre injuste et non provoquée contre l’Ukraine. Elles sont totalement fausses et ont été infirmées à maintes reprises. Jusqu’en 2015, la Fédération de Russie hébergeait le CIST et recevait environ 1,5 milliard de dollars des États parties, dont les États-Unis et l’Union européenne, pour le financement du Centre, afin d’appuyer des scientifiques russes spécialisés dans les armes, entre autres des scientifiques russes experts des armes biologiques, à effectuer une transition vers des travaux de recherche à des fins pacifiques. Pendant plus de deux décennies au cours desquelles la Russie était un État partie du CIST et un membre de son conseil d’administration, la Fédération de Russie a approuvé directement les mêmes projets en matière de recherche biologique et d’infrastructures qu’elle dénigre maintenant. (TRADUCTION) »
Merci, Monsieur le Président.
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