L’approche du Canada relative à l’innovation dans l’aide internationale
Cette note d’orientation décrit l’approche d’Affaires mondiales Canada relative à l’innovation dans l’aide internationale, ce qui comprend les initiatives de développement international, d’aide humanitaire, ainsi que de paix et de sécurité. La note d’orientation contribue à la mise en œuvre de la de 2017 et constitue un élément clé de l’engagement d’Affaires mondiales Canada envers l’innovation et l’expérimentation. Ces efforts soutiennent l’égalité des genres et le renforcement du pouvoir des femmes et des filles comme étant l’approche la plus efficace et le moyen le plus pertinent pour réduire la pauvreté et les inégalités.
L’objectif global de cette note d’orientation est d’encourager et d’orienter les efforts visant à concevoir, à tester et à intégrer des innovations dans le cadre de l’aide internationale du Canada.
Cette note établit le cadre d’élaboration d’une orientation et d’outils pratiques pour le personnel et les partenaires. Elle crée des systèmes permettant de suivre et de mesurer l’impact de l’innovation afin d’en tirer des enseignements et des données probantes pour la prise de décisions au profit des personnes les plus pauvres et les plus vulnérables, notamment les femmes et les filles.
Introduction
Dans sa Politique d’aide internationale féministe, le Canada s’est engagé à mettre l’accent sur « l’innovation, la recherche et les résultats […] en encourageant une expérimentation accrue et la mise à l'échelle de nouvelles solutions aux défis inhérents au développement ».
Il s’agit d’un engagement conforme aux :
- efforts du Canada pour faire progresser le (en anglais);
- principes de Whistler pour accélérer l’innovation au service du développement.
Cet engagement exige :
- l’adoption de mesures audacieuses et transformatrices de la part de communauté mondiale;
- l’intégration d’approches innovantes et inclusives dans les programmes d’aide internationale;
- la promotion d’une culture d’innovation et d’apprentissage au sein des divers secteurs d’Affaires mondiales Canada, et le partage des leçons apprises en innovation avec d’autres partenaires gouvernementaux et non gouvernementaux;
- l’engagement des partenaires à veiller à ce que les femmes et les filles participent pleinement au processus d’innovation non seulement comme bénéficiaires, mais aussi en tant qu’innovatrices.
Raisons d’agir
Le maintien du statu quo ne permettra pas d’atteindre l’objectif mondial d’éradication de la pauvreté extrême, tel qu’il est exposé dans le Programme 2030. Nous avons besoin d’innover pour améliorer la prestation de services, les politiques et les produits actuels. Nous avons également besoin de créer de nouveaux partenariats et de mettre en place de nouvelles modalités de financement, y compris la coopération public-privé, de manière à offrir une aide internationale plus efficace à l’échelle requise.
Des changements sociaux, politiques, économiques et technologiques rapides
Pour trouver des solutions durables, pratiques et modulables en réponse aux problèmes complexes en matière de développement dans le monde, il est crucial de s’engager à innover, à utiliser des données probantes et à expérimenter pour aborder différemment le développement international.
Positionner Affaires mondiales Canada pour des solutions innovantes
En s’appuyant sur les principes d’efficacité de l’aide et en encourageant la collaboration entre les secteurs, Affaires mondiales Canada s’efforcera d’accélérer le rythme du changement afin d’améliorer les moyens de subsistance des personnes les plus pauvres et les plus vulnérables.
L’innovation peut faciliter la transition vers des programmes d’aide internationale réussis en :
- créant des partenariats pour combler les lacunes en matière de ressources;
- facilitant l’expérimentation et la collecte de données afin de créer des bases de données probantes et solides;
- cernant les voies à suivre pour faire passer à l’échelle les projets pilotes qui ont été couronnés de succès;
- favorisant la mise à l’échelle des solutions éprouvées qui remettent en question l’inégalité des genres et éliminent les obstacles au renforcement du pouvoir des femmes et des filles.
En quoi consiste l’innovation dans l’aide internationale?
La définition
Pour Affaires mondiales Canada, l’innovation dans l’aide internationale est un processus et un état d’esprit. Il s’agit d’un moyen de permettre l’adoption de solutions nouvelles ou améliorées à l’échelle locale en vue d’obtenir de meilleurs résultats et un plus grand impact, au profit des personnes les plus pauvres et les plus vulnérables, notamment les femmes et les filles, en leur donnant les moyens d’agir. Les solutions innovantes peuvent comprendre des modèles d’affaires, des pratiques politiques, des approches, des partenariats, des technologies, des introspections comportementales ou des façons différentes d’offrir des produits et des services.
Voici les principaux facteurs à prendre en compte pour cerner l’innovation dans le développement :
- Quel est le problème spécifique?
- La solution provient-elle d’un milieu local?
- S’agit-il d’une solution nouvelle ou améliorée dans le contexte local?
- La solution envisagée est-elle susceptible d’aborder un ou des problèmes de manière plus efficace et/ou efficiente que les pratiques existantes?
- La solution sera-t-elle testée, pilotée et/ou mise à l’échelle?
L’approche d’Affaires mondiales Canada relative à l’innovation dans l’aide internationale
Le quoi et le comment
L’innovation vise à trouver et à adopter des solutions concrètes qui abordent les problèmes de manière plus efficace que les approches existantes, ou qui répondent à des besoins qui n’ont pas encore été comblés, tels que les rapports de force dans les cultures locales qui désavantagent systématiquement les femmes et les filles.
La nouveauté et l’amélioration
L’innovation peut être transformationnelle (c’est-à-dire apporter une solution entièrement nouvelle à un problème) ou graduelle (c’est-à-dire apporter une amélioration à une pratique existante pour la rendre plus efficace).
Un processus dynamique et flexible
Le processus d’innovation s’appuie sur une méthodologie qui peut comprendre, entre autres : l’idéation, la recherche et le développement, l’expérimentation, les tests, l’ajustement, l’adaptation au contexte local, la validation de principe, la transition vers la mise à l’échelle et la mise à l’échelle.
Il n’est pas nécessaire que toutes les initiatives d’aide internationale soient innovantes, car les solutions déjà éprouvées et existantes peuvent souvent être l’intervention la plus efficace pour obtenir l’impact optimal. Pour faire les bons choix à cet égard, il peut être utile de recourir à l’expérimentation et à l’évaluation de manière à déterminer quelles cibles viser pour qu’une initiative atteigne un niveau d’impact optimal et pour qu’une approche différente offre un potentiel accru.
Les voies vers l’efficacité
Affaires mondiales Canada concentra ses efforts sur les huit voies vers l’efficacité suivantes, qui reflètent et sous-tendent les Principes de Whistler du G7 dans la pratique.
1. Promouvoir l’innovation inclusive
Les approches féministes et d’analyse comparative entre les sexes plus (ACS+) sont au cœur de ces efforts et peuvent donner de nouvelles pistes et de nouvelles orientations au niveau de la mobilisation et des programmes.
Il faut mobiliser les femmes et les filles en tant que bénéficiaires de l’innovation et les appuyer à titre d’innovatrices en tant que telles en mettant à leur disposition les outils et les ressources dont elles ont besoin.
De plus, la promotion de l’innovation inclusive comprend les considérations suivantes :
- appuyer des politiques et des programmes d’aide internationale qui s’inspirent d’une approche axée sur les droits de la personne et mettent l’accent sur l’égalité, la non-discrimination, la participation, l’inclusion, l’intersectionnalité, la transparence et la responsabilisation.
- veiller à ce que l’innovation soit inclusive en tenant compte de divers facteurs identitaires, sociaux, économiques et politiques qui ont une incidence sur les résultats d’approches innovantes auprès de populations particulières, notamment les femmes et les filles.
- faire en sorte que les groupes marginalisés ne soient pas exclus des avantages que procure l’innovation ou n’en subissent pas de répercussions négatives.
Étude de cas : Digital Opportunity Trust -
Dans le cadre de ce projet, le Digital Opportunity Trust a cherché à aborder les défis endémiques que posent la lenteur de la création d’emplois, les lacunes au niveau des compétences, et l’inégalité des chances et de l’accès aux ressources pour les femmes et les hommes en Afrique et au Moyen-Orient.
L’approche du Digital Opportunity Trust consistait à élaborer et à mettre en œuvre, dans les pays pilotes, des programmes de formation en entrepreneuriat et d’acquisition de compétences numériques qui intègrent une stratégie globale en matière d’égalité des genres, des réseaux de mentorat pour les femmes et les filles, et l’utilisation de plateformes numériques entre les pairs.
Plus de 46 000 jeunes femmes et jeunes hommes ont bénéficié d’un soutien, dont plus du tiers ont lancé ou développé leur propre entreprise.
2. Investir dans des solutions locales
Il convient de soutenir et d’encourager les innovateurs locaux et leurs partenaires dans les pays en développement, notamment en partageant avec eux les talents et les ressources des réseaux mondiaux.
Il faut également :
- reconnaître et entretenir de manière proactive l’expertise et l’expérience locales en innovation dans le développement, en créant des synergies entre les connaissances et les pratiques exemplaires.
- veiller à ce que les femmes et les adolescentes, y compris celles qui ont un handicap, ainsi que les organisations locales qui les représentent jouent un rôle déterminant dans la conception, les tests, l’apprentissage et l’adoption de solutions innovantes.
Étude de cas : Appui du Canada à la lutte contre la violence sexuelle et fondée sur le genre
La violence sexuelle et fondée sur le genre est endémique dans les camps de réfugiés et les sites de protection au Soudan du Sud, en Somalie et au Kenya.
Ujamaa Africa offre une formation à la prévention de la violence sexuelle et fondée sur le genre au moyen de programmes distincts et sexospécifiques pour former hommes et garçons ainsi que femmes et filles dans un cours intensif de six semaines. La formation donnée aux hommes et aux garçons est axée sur le consentement et sur la manière de faire cesser la violence sexuelle et fondée sur le genre lorsqu’ils en sont témoins. Dans le cas des femmes et des filles, il s’agit d’un programme de renforcement du pouvoir et d’autodéfense qui leur permet d’apprendre ce qu’elles doivent faire en cas d’agression.
Le programme de prévention de la violence sexuelle a été mis à l’échelle à partir d’un projet pilote mené à Dadaab, au Kenya, pour être ensuite offert ailleurs au Kenya ainsi qu’au Soudan du Sud et en Somalie. Dans les collectivités qui ont bénéficié du programme d’éducation d’Ujamaa Africa, on a observé une diminution de 50 % des abus sexuels.
3. Prendre des risques mesurés
Il convient d’expérimenter et d’utiliser des données rigoureuses, tout en s’assurant de ne causer aucun tort, puis d’investir de façon plus audacieuse une fois que les étapes initiales démontrent avec plus de certitude l’impact obtenu et la viabilité financière par la validation de principe.
Il faut également :
- améliorer la collecte de données pour appuyer la prise de risques mesurés, l’apprentissage continu et les ajustements nécessaires.
- explorer des modèles de financement permettant de répartir et gérer les risques de manière à mobiliser des partenariats innovateurs.
- exploiter de nouvelles sources de financement et offrir des voies vers la mise à l’échelle, notamment au moyen de paiements axés sur les résultats et d’autres mécanismes rendus possibles par les modalités élargies de l’aide internationale d’Affaires mondiales Canada.
4. Utiliser des données probantes, y compris des données ventilées, pour orienter la prise de décisions
Il faut utiliser des données probantes afin d’améliorer l’impact et la rentabilité en élaborant des mesures claires dès le début et en mesurant sur une base continue les progrès accomplis par rapport à des jalons, de manière à pouvoir reconnaître les innovations les plus efficaces et à déceler les lacunes qui subsistent.
Il faut également :
- s’efforcer de repérer les données que les acteurs de l’aide internationale peuvent négliger et qui peuvent fournir des pistes pour surmonter les obstacles sous-jacents à l’aide internationale ou les défis aux nouvelles solutions.
- relever le défi de mesurer l’impact et la valeur d’une innovation ainsi que ses résultats, et partager les connaissances pertinentes avec les partenaires et les interlocuteurs canadiens et internationaux.
5. Saisir les occasions d’apprendre rapidement, de recommencer et de faire en sorte que les innovations prometteuses aient des retombées
Avant de mettre à l’échelle des innovations prometteuses, il faut reconnaître les échecs et les inefficacités. Il convient aussi d’examiner sous l’angle de l’innovation les pratiques qui ont fait leurs preuves afin de déterminer si elles doivent être ajustées.
Il faut également :
- travailler avec les partenaires pour intégrer et soutenir l’innovation tout au long du cycle du projet (définition du problème, analyse, mobilisation, évaluation, consultation, conception, tests, expérimentation, mise en œuvre et rapports).
- apprendre aux côtés des partenaires, des experts et des bénéficiaires pour envisager de futures expérimentations et innovations.
- adapter les systèmes de gestion des entreprises et des projets pour qu’ils permettent l’itération et l’apprentissage.
6. Faciliter la collaboration et la création conjointe entre le secteur public, le secteur privé et la société civile
Il convient de coordonner la mise en œuvre des innovations scientifiques, techniques, sociales et commerciales afin de tirer parti des ressources intellectuelles, financières et sociales de tous, et d’échanger à grande échelle les données, les normes, les résultats et l’apprentissage.
Il faut également :
- encourager la collaboration intersectorielle et les nouveaux partenariats afin de mettre fin aux cloisonnements, y compris entre les diverses initiatives d’Affaires mondiales Canada.
- favoriser l’adoption d’approches innovantes à l'aide d’une mobilisation multilatérale, bilatérale et multipartite en matière d’aide internationale, et appuyer ces approches au moyen de nouveaux partenariats et mécanismes de financement.
7. Cerner les solutions pouvant être mises à l’échelle, y compris les technologies
De telles solutions doivent démontrer un potentiel élevé quant à l’atteinte et au maintien de résultats substantiels, qui assurent la rentabilité et qui sont susceptibles de toucher des millions de personnes dans le besoin dans les pays en développement.
Il faut également :
- rester à l’affût des nouveaux outils et des nouvelles approches pour comprendre comment ils pourraient être utiles au travail du Canada en matière d’aide internationale.
- encourager et soutenir la collaboration multipartite pour mettre à l’échelle les innovations prometteuses de concert avec les acteurs du développement, de la technologie, des finances, du secteur privé et de la recherche.
8. Intégrer dans les programmes les innovations qui ont fait leurs preuves pour les mettre à l’échelle
En éliminant les obstacles à l’utilisation de nouvelles solutions dans les programmes et en appuyant l’adoption d’innovations qui ont fait leurs preuves dans tous les mécanismes de programmation, Affaires mondiales Canada peut continuer de créer pour le personnel un environnement propice à l’innovation et favoriser l’innovation chez ses partenaires au Canada et dans l’ensemble du secteur de l’aide internationale, de sorte que l’innovation efficace pour l’impact devienne l’affaire de tous.
Il faut également :
- s’assurer qu’Affaires mondiales Canada a les mécanismes financiers et les instruments nécessaires pour soutenir l’innovation dans son aide internationale.
- expérimenter des modèles nouveaux ou améliorés de politiques et de programmes, et en tirer des leçons (il peut s’agir, entre autres, de modèles comme la conception axée sur l’être humain et l’inclusion des genres ainsi que la création conjointe).
- reconnaître et établir des voies internes à travers les canaux de programmation pour mettre à l’échelle des concepts réussis et des solutions qui ont fait leurs preuves.
Étude de cas :
Dans le cadre de ce projet, Grands Défis Canada a cherché à améliorer l’accès aux produits hygiéniques pour les femmes provenant de ménages ruraux et à faible revenu de l'Afrique de l’Est.
L’organisation a créé Sustainable Health Enterprises, qui cherchait à renforcer le pouvoir des femmes en leur accordant de petits prêts pour l’achat de matériel (fibres de bananes cultivées localement) afin qu’elles puissent fabriquer des produits hygiéniques à vendre dans des régions mal desservies. Le projet a donc créé de nouveaux écosystèmes de transactions commerciales tout en améliorant l’accès aux produits hygiéniques essentiels.
Le projet a été mis à l’échelle dans de nouvelles régions du Rwanda, et il est prévu de l’étendre au Kenya, au Népal et au Zimbabwe.
Mise en œuvre et suivi
Affaires mondiales Canada formulera des conseils pratiques de mise en œuvre, de suivi et d’évaluation, créera des outils à l’intention du personnel et des partenaires, et prendra des mesures pour encourager et aider les membres du personnel à promouvoir une culture d’innovation inclusive dans tous les programmes ministériels de développement, d’aide humanitaire, et de paix et sécurité.
Affaires mondiales Canada suivra, mesurera et diffusera systématiquement les résultats liés aux solutions novatrices appliquées à l’aide internationale afin de générer des connaissances et de l’apprentissage susceptibles d’appuyer une prise de décisions fondée sur des données probantes, y compris au moyen de lignes directrices sur les rapports des partenaires. Affaires mondiales Canada collabore avec le Secrétariat et les membres du Comité d’aide au développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques en vue de tester un marqueur de l’innovation destiné à faire le suivi de l’innovation dans les projets de tous les programmes. Ce marqueur ainsi que les travaux sur la mesure des impacts permettront de mettre en place des mécanismes pour suivre les résultats et l’apprentissage dans le domaine de l’innovation, pour en faire état et pour en assurer la diffusion.
Conclusion
Les innovations en matière d’aide internationale permettent de mettre en œuvre des solutions éprouvées pour adresser plus efficacement les problèmes et les obstacles relatifs à l’égalité des genres et au renforcement du pouvoir des femmes et des filles, et pour améliorer les conditions de vie des personnes les plus pauvres et les plus vulnérables.
Affaires mondiales Canada considère que l’engagement envers l’innovation est crucial pour trouver des solutions pratiques et durables qui peuvent être mises à l’échelle afin de répondre aux problèmes complexes de l’aide internationale dans le monde et d’éliminer la pauvreté extrême d’ici 2030.
Conformément à la Politique d’aide internationale féministe, un tel engagement reconnaît clairement qu’en valorisant le potentiel des femmes et des adolescentes en tant qu’innovatrices on peut transformer le développement.
Affaires mondiales Canada continuera d’inciter ses partenaires à rechercher des solutions inclusives et innovantes pour bâtir un monde plus pacifique, plus inclusif et plus prospère.
Autres ressources
- (en anglais) - Alliance pour l’innovation dans le développement international
- - Conseil canadien pour la coopération internationale
- Fiche-conseils 5.1 – Rapport sur l’innovation dans le cadre de l’aide internationale
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