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Mettre fin à la pauvreté liée aux règles


Avoir ses règles fait partie de la vie de la moitié de la population mondiale. En effet, chaque jour, quelque 800 millions de femmes et de filles sont menstruées. Toutefois, elles vivent souvent ces périodes dans la honte et le secret, et beaucoup d’entre elles n’ont pas accès à des services d’approvisionnement en eau et d’assainissement ni à des installations et à produits hygiéniques qui leur permettraient de gérer leurs menstruations avec dignité.

Un mouvement croissant s’est développé pour combattre la pauvreté liée aux règles au Canada. Les mesures vont de la fourniture gratuite de produits hygiéniques dans certaines commissions scolaires jusqu’à l’élimination des taxes sur ces articles dans les magasins. Un documentaire récent ainsi que de nouveaux balados font la lumière sur les tabous, la stigmatisation et les coûts liés aux menstruations.

Ces contraintes sociales et financières sont particulièrement frappantes dans les pays à faible revenu; elles obligent les filles à s’absenter de l’école et marginalisent les femmes au sein même de leurs familles et de leurs collectivités. Ces défis sont aggravés par la pandémie de COVID-19, qui a exacerbé les obstacles qui nuisent à l’égalité des genres, accentué l’isolement des femmes, perturbé les chaînes d’approvisionnement en produits et réduit l’accès aux services de santé et d’éducation.

Le Canada soutient des programmes d’envergure mondiale axés sur la santé des femmes et des enfants qui visent à faire évoluer les normes et les pratiques culturelles liées aux menstruations ainsi que leurs incidences sur les personnes et les sociétés.

« Chaque mois, des centaines de millions de femmes, de filles et de personnes doivent composer avec les menstruations, et cela a des répercussions sur leur bien-être mental et social », affirme Abena Thomas, spécialiste du suivi, de l’évaluation, de la responsabilité et de l’apprentissage pour Vision mondiale Canada. Grâce au financement d’Affaires mondiales Canada (AMC), le programme ENRICH (Améliorer les services de santé et de nutrition pour les mères et les enfants) que l’organisation met en œuvre au Kenya, en Tanzanie, au Bangladesh et au Myanmar vise à accroître l’accès des adolescentes aux services et aux renseignements en matière de santé sexuelle et reproductive, et notamment en matière de gestion de l’hygiène menstruelle.

Les filles prennent le pouvoir

A dozen people are gathered around a water hand-pump

Sumi est fondatrice et secrétaire d’un groupe de renforcement du pouvoir des adolescentes dans la collectivité isolée de Thakurgaon, Bangladesh. Photo : Paul Bettings / World Vision

Dans les écoles, le programme ENRICH fournit des « trousses de dignité » contenant des produits d’hygiène féminine, sensibilise les enseignants et permet la création de salles de gestion de l’hygiène menstruelle que les filles peuvent utiliser lorsqu’elles ont leurs règles. Des groupes de renforcement du pouvoir des adolescentes rassemblent des jeunes femmes pour leur permettre d’acquérir des connaissances sur la santé sexuelle et reproductive et les menstruations. Ils favorisent aussi le développement des compétences de vie et mènent des projets qui améliorent leurs collectivités.

Sumi, 18 ans, fondatrice et secrétaire d’un groupe de renforcement du pouvoir des adolescentes dans la collectivité isolée de Thakurgaon, dans le nord du Bangladesh, explique que les membres du groupe créent de petites entreprises et économisent de l’argent pour payer leurs frais scolaires, leurs besoins en matière de santé et les dépenses imprévues. Elles s’expriment également sur certaines questions, par exemple en s’opposant farouchement au mariage d’enfants.

« Il est difficile d’apporter des changements avec une seule personne... mais on peut le faire en groupe », déclare Sumi, qui est en deuxième année d’études postsecondaires en sciences et qui envisage de devenir médecin. Selon elle, l’aspect le plus intéressant de l’apprentissage des filles à propos de la santé menstruelle est qu’elles peuvent en parler à leur famille. « Les parents doivent être inclus et elles doivent les informer qu’elles ont leurs règles, afin qu’ils comprennent ce qui se passe. » 

A dozen people are gathered around a water hand-pump

Les membres du groupe de renforcement du pouvoir des adolescentes, économisent les fonds dans des tirelires en argile qu’elles fabriquent et décorent. Photo : Paul Bettings / World Vision

Son club discute avec les dirigeants sur des sujets comme le renforcement du pouvoir de décision des femmes et la nécessité de prioriser l’éducation des filles, explique Sumi. Son groupe de renforcement du pouvoir des adolescentes a également mené une campagne de signature massive pour mettre fin aux violences sexuelles et sexistes. Les filles soutiennent leurs camarades qui n’ont pas les moyens de se procurer des produits hygiéniques féminins, en économisant les fonds dans des tirelires en argile qu’elles fabriquent et décorent, et elles organisent des cliniques de santé de quartier.

« Elles réfléchissent à des questions de justice sociale et elles acquièrent des outils qui leur permettront de prendre part à leur collectivité, commente Abena Thomas. Comprendre les tabous liés aux menstruations et "le sentiment d’être malpropre ou que quelque chose ne va pas pendant cette période" donne également aux filles une meilleure "conscience de soi", ajoute-t-elle. Ça ouvre beaucoup de portes. »

Apprendre que les menstruations sont normales

Les adolescentes de Kigutu, un village rural du sud du Burundi, se familiarisent avec la santé menstruelle et l’hygiène féminine grâce au projet Mutima (intégrité), dans le cadre du programme « Toutes les mères et tous les enfants sont importants ». Dans les ateliers scolaires, les filles et les garçons apprennent à coudre des serviettes hygiéniques économiques réutilisables à partir de tissu local aux couleurs vives appelé kitinge, de bandes de serviettes absorbantes et de feuilles de plastique. Ils apprennent également à utiliser et à nettoyer correctement les serviettes avec de l’eau et du savon, puis à les sécher pour éliminer les bactéries. 

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Les étudiantes de Kigutu montrent les serviettes hygiéniques réutilisables qu’elles ont fabriquées dans le cadre du projet Mutima. Photo : Village Health Works

Le projet est financé par AMC grâce à un partenariat avec le Fonds du primat pour le secours et le développement mondial, une organisation non gouvernementale canadienne, et mis en œuvre localement par Village Health Works. Il permet d’organiser des séances sur la santé sexuelle et reproductrice et les droits connexes pour les adolescents, les garçons et les filles, ainsi que pour les parents. Ces séances offrent des renseignements sur la planification familiale, les menstruations, l’hygiène, la malnutrition et les valeurs familiales.

Cherissa, 15 ans, est rassurée de savoir que les menstruations sont normales, « quelque chose dont je peux parler avec ma famille et que je n’ai pas à cacher ». Elle est désormais plus en mesure de demander des renseignements, de reconnaître les signes de menstruation et de prendre soin d’elle lorsqu’elle a ses règles.

L’apprentissage du cycle menstruel a aidé Anne-Marie, 16 ans, à compter les jours et à prévoir quand ses prochaines règles vont commencer. « De cette façon, je peux préparer ce dont j’ai besoin à l’avance, ce qui, je pense, est important pour les filles. »

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Dacia a appris à se comprendre grâce au projet Mutima.

Dacia, 20 ans, raconte que grâce au projet Mutima, « j’ai d’abord appris à me comprendre, à comprendre le changement de certains aspects de mon corps. » Elle aime fabriquer les serviettes hygiéniques et affirme que les séances l’aident à savoir « comment éviter une grossesse non désirée et l’abandon de mes études ».

Sophie Matte, directrice principale de programmes pour Village Health Works, explique que les filles issues de familles pauvres n’ont souvent pas les moyens de payer les frais scolaires et les produits hygiéniques féminins, et demandent parfois l’aide des hommes plus âgés de la collectivité. « Malheureusement, elles tombent parfois enceintes et doivent ensuite abandonner l’école ».

Faire participer les garçons aux séances du projet Mutima leur fait prendre conscience que les filles sont intelligentes et ont de la valeur, dit-elle. « Ils deviendront des pères, et ils n’élèveront pas leurs filles avec la même perspective ou la même perspective culturelle ni dans le même contexte que celui dans lequel ils ont grandi. »

« Lorsque les filles et les femmes prennent soin de leur santé, cela améliore souvent leur position dans de nouveaux domaines, dit-elle, comme la participation aux décisions du ménage. » Ce changement de dynamique est essentiel au Burundi, qui, selon elle, fait partie des pays les moins bien classés dans l’indice du développement humain.

Les agents de santé communautaires diffusent des messages sur l’égalité des genres dans les zones reculées, et des séances sont organisées avec les dirigeants communautaires pour expliquer l’importance de « renforcer le pouvoir des filles, des garçons et des parents – et de presque toutes les couches de la société – par l’éducation », dit-elle.

« Cela changera complètement la génération future et brisera le cycle de la pauvreté intergénérationnelle », affirme Sophie Matte, qui souligne que les femmes et les filles doivent pouvoir se faire entendre. « Si on n’écoute pas plus de la moitié de la population, alors on ne peut rien arranger. »

Faire tomber les tabous

Le projet financé par AMC et intitulé « Santé menstruelle pour la santé et les droits sexuels et reproductifs », qui est mis en œuvre au Pakistan, au Burkina Faso, au Libéria et en Sierra Leone par WaterAid Canada, se concentre sur l’amélioration de l’hygiène menstruelle afin de renforcer la santé sexuelle et reproductrice et les droits connexes des femmes et des adolescentes.

Sarah Schattmann, gestionnaire de projet pour WaterAid Canada, affirme qu’il est important de veiller à ce que les installations sanitaires et d’hygiène dans les écoles et les centres de soins soient accessibles, sûres, sensibles au genre et équipées pour répondre aux besoins des femmes et des filles en matière de gestion de l’hygiène menstruelle. « Le projet tient compte de tous les aspects », dit-elle.

Les jeunes leaders dissipent les mythes et les idées fausses qui entourent les menstruations, en organisant des séances au cours desquelles ils aident les filles à comprendre leur cycle menstruel et les changements qui surviennent dans leur corps. « Nous faisons tomber les tabous et les concepts entourant la santé menstruelle au niveau communautaire », explique Mme Schattmann, ajoutant qu’il est particulièrement important que les hommes et les garçons soient « plus accueillants envers les femmes qui ont leurs règles ».

Elle explique que le programme s’efforce de faire évoluer les mentalités au niveau gouvernemental afin que l’importance de la santé menstruelle soit explicitement mentionnée dans les directives politiques. Cela signifierait que les filles et les femmes auraient accès des services d’approvisionnement en eau aux installations sanitaires même dans les collectivités les plus éloignées et les plus vulnérables, ajoute Mme Schattmann, qui est optimiste quant à la possibilité d’un changement. « Nous avons eu un impact », dit-elle.

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