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Histoires de courage, d’espoir et de charité : des Vénézuéliens dynamiques au Canada


Artistes, militants, éducateurs, scientifiques, universitaires et étudiants de tous âges, milieux et points de vue, ils sont unis par leur amour et leur préoccupation pour le pays qu’ils ont laissé derrière eux.

La dynamique communauté des Vénézuéliens du Canada est aussi variée que les histoires qui ont amené ses membres dans ce pays qu’ils appellent désormais leur chez-soi. Pour eux, le Canada est un lieu de diversité, de tolérance et de compassion, où ils sont libres de dire ce qu’ils pensent, de vivre comme ils l’entendent et d’aimer qui ils veulent.

Alors que le Canada se prépare à accueillir la Conférence internationale des donateurs en solidarité avec les réfugiés et les migrants vénézuéliens, ces derniers parlent de leurs liens avec leur communauté ici au Canada et de leurs efforts pour aider leurs proches restés au Venezuela.

Voici quelques-unes de leurs histoires.

Isaac Nahon-Serfaty – Universitaire

Isaac Nahon-Serfaty est né au Maroc, mais a déménagé au Venezuela à l’âge de six ans. Il est aujourd’hui enseignant en communications à l’Université d’Ottawa.

Pour Isaac Nahon-Serfaty, le Venezuela a d’abord été un refuge. Il est né au Maroc, où ses ancêtres, des Juifs sépharades d’Espagne, vivaient depuis des siècles. Le conflit dans la région à la fin des années 1960 a poussé sa famille à s’installer au Venezuela lorsqu’il avait 6 ans. Ils avaient de la famille là-bas et « c’était un pays très accueillant, ouvert, avec de nombreuses perspectives », se souvient-il.

D’abord venu au Canada à deux reprises dans les années 1990 pour faire sa maîtrise et son doctorat à l’Université de Montréal, il a suivi ses cours en français, une langue que lui avait enseignée sa mère. À l’époque, le gouvernement vénézuélien encourageait les jeunes du pays à étudier à l’étranger dans le cadre d’un programme de bourses où les frais de scolarité étaient en parité avec ceux des Québécois. De retour à Caracas, Isaac est devenu journaliste et consultant. Il est revenu au Canada en 2007 pour occuper un poste d’enseignant en communications à l’Université d’Ottawa, où il se spécialise dans la promotion de la santé, la prévention des maladies et les communications politiques.

Isaac et son épouse Cheryl Riera, une éducatrice également originaire du Venezuela, sont aujourd’hui citoyens canadiens. Ils ont trois enfants adultes, dont deux vivent au Canada et un en Espagne.

Au Venezuela, sa mère, sa sœur et sa famille élargie « se portent bien, mais la situation est difficile », reconnaît Isaac. Le coût de la vie est élevé, tout devant être payé en dollars américains. « Ma mère manque d’eau courante ou d’électricité au moins deux ou trois fois par semaine, raconte-t-il. C’est un pays où toutes les institutions, tout ce qui, en général, devrait faire partie d’une vie normale (services publics, hôpitaux, universités, universités publiques, système scolaire), a été détruit... C’est une crise véritablement systémique. »

Des gens comme Isaac Nahon-Serfaty, formés par le système éducatif du Venezuela, « vivent désormais partout dans le monde et apportent leur contribution », note-t-il en soulignant que de nombreux ingénieurs vénézuéliens travaillent dans l’industrie pétrolière de l’Alberta.

La plupart des cours dans les universités publiques de son pays d’origine ont été suspendus pendant plus d’un an en raison de la crise de la COVID-19. « C’est une catastrophe », dit-il, bien que les universitaires tentent toujours de mener des recherches et même d’enseigner.

« C’est le côté intéressant de la chose. Une partie de la société résiste et dit : “OK, nous devons continuer à nous battre, continuer à vivre à peu près normalement” », explique Isaac. Il a contribué à faire déclarer deux collègues vénézuéliens, l’un en biologie et l’autre en sociologie, professeurs invités à l’Université d’Ottawa, afin qu’ils puissent en utiliser les bases de données, les publications et d’autres ressources. Il aimerait que de tels privilèges soient étendus à davantage d’universitaires.

Soraya Benitez – Chanteuse

Soraya Benitez (à droite) et son épouse Olga Ortega (à gauche) lors de leur mariage à Boucherville.

C’est un appel de son frère Pablo qui a décidé Soraya Benitez à venir au Canada. Étudiant à l’Université McGill en 1997, il a alors prononcé des mots qu’elle n’a cessé d’approuver depuis.

« Le Canada, c’est toi », m’a-t-il fait remarquer. « Ce pays dégage la même énergie que toi. »

Auteure, compositrice et interprète, Soraya occupait un poste de gestion culturelle dans l’administration municipale de Caracas. Elle n’a pas eu besoin de plus d’encouragement. Elle a pris sa guitare et s’est envolée pour le Canada, où « ça a été le coup de foudre, Amor a primera vista en espagnol. Je suis tombée amoureuse de la société et de ses valeurs, raconte-t-elle. Je voulais mélanger mon bagage culturel et la culture canadienne pour que naisse une nouvelle Soraya. »

Elle a commencé à chanter la sérénade aux passagers du métro de Montréal avec sa musique vénézuélienne et mondiale unique. « C’était le seul endroit où je pouvais chanter sans déranger les gens, avec ma voix puissante », explique-t-elle.

Elle a depuis sorti quatre albums, et ses performances sont saluées par la critique. L’une d’elles, dans le New York Times, note « l’accent lyrique profond de Mme Benitez, ses arrangements inhabituels et un mélange étonnamment passionné de gravité et de sensualité. » Le journal Le Canada Français de Saint-Jean-sur-Richelieu a observé que « Soraya Benitez chante l’Amérique du Sud sur une note très personnelle... La chanteuse vénézuélienne nous sert une musique plutôt profonde, intensément émotionnelle et souvent teintée de mélancolie, voire de tristesse ».

Tout en chantant et en enregistrant sa musique, Soraya est restée en contact avec une amie au Venezuela, la pédiatre Olga Ortega, et au fil du temps, « nous sommes tombées amoureuses, comme un bon plat que l’on fait mijoter longtemps », se souvient-elle. Elles ont entamé une relation amoureuse il y a 12 ans et se sont mariées lors d’une cérémonie chez un ami à Boucherville le 9 décembre 2017. C’est une étape qui, selon Olga, « n’aurait pas été possible » au Venezuela. « Ce n’est pas légal là-bas, et même les personnes qui sont dans une relation comme celle-là doivent le cacher », renchérit Soraya.

Soraya est citoyenne canadienne et Olga, résidente permanente du Canada depuis 2019, est en passe de le devenir. « Chaque jour, je m’inquiète pour ma famille au Venezuela », confie-t-elle. Elles envoient de l’argent chaque semaine à leurs familles et Soraya suit les allées et venues de ses frères et sœurs au Venezuela grâce à une application sur son téléphone. Elles sont toutes deux consternées par l’exode des Vénézuéliens et attristées par les conditions de vie de ceux et celles qui y sont restés. « Les pénuries alimentaires, la qualité de vie, pas d’électricité, pas d’eau, mais surtout, pas de liberté », précise Soraya.

Soraya prépare un cinquième album, malgré la pandémie de la COVID-19 qui l’empêche de se produire en public. En attendant, elle travaille comme représentante du service clientèle pour une entreprise de formation de personnes originaires d’Afrique et d’Asie dans des domaines tels que les finances publiques et la gestion des risques. Olga est à la recherche d’un emploi.

Les deux femmes sont également bénévoles pour aider leur pays d’origine, « parce que le Canada m’a montré que nous devons vivre non seulement pour nous-mêmes, mais aussi pour les autres, précise Soraya. J’ai appris l’humanisme dans ce pays. »

Rebecca Sarfatti – Pilier de la communauté

Rebecca Sarfatti est arrivée au Venezuela alors qu’elle était adolescente. Vivant aujourd’hui à Toronto, elle est bénévole à temps plein en tant que pilier de la communauté.

Selon Statistique Canada, 20 000 Vénézuéliens vivent au Canada, mais Rebecca Sarfatti pense qu’il y en a beaucoup plus. « Chaque jour, on rencontre des nouveaux venus, ou d’autres qui sont ici depuis longtemps, mais qu’on n’a pas encore rencontrés », avance-t-elle.

Rebecca donne l’impression de vouloir tous les connaître.

Née à Curaçao, elle a déménagé au Venezuela à l’adolescence. En 2002, elle est venue au Canada avec son mari Eduardo Harari, consultant en technologies de l’information et journaliste, qui avait quitté le Guatemala pour s’installer au Canada. Ils vivent à Toronto avec leurs deux jeunes enfants.

Ils y ont trouvé une communauté vénézuélienne dynamique, avec deux organisations culturelles, six restaurants et trois camions-restaurants qui servent des plats comme les arepas, un pain de maïs d’Amérique latine que les créatifs chefs vénézuéliens remplissent de bœuf ou de fromage râpé, d’avocat et de haricots noirs.

Rebecca affirme que les Canadiens d’origine vénézuélienne sont « attristés de quitter leur beau pays », mais n’ont pas le choix. « Les jeunes n’ont aucun avenir là-bas », indique Rebecca, qui est résidente permanente du Canada. « Ils viennent dans ce pays pour étudier, travailler dur et devenir productifs le plus vite possible. »

Diplômée en sciences politiques, elle est aujourd’hui bénévole à plein temps en tant que « pilier de la communauté ». En 2007, elle a créé Venezolanos en Toronto, une organisation sociale qui compte actuellement plus de 12 000 membres sur Facebook et d’autres médias sociaux. Elle est cofondatrice et membre du conseil d’administration du Forum démocratique Canada-Venezuela, créé en 2014 et voué à la crise politique et humanitaire dans son pays.

Rebecca recueille des dons de fournitures et d’équipements médicaux, qu’elle envoie à un réseau de médecins du système public vénézuélien, à leur adresse domiciliaire, pour passer inaperçus et éviter des ennuis avec le gouvernement. Entre deux expéditions, le salon de Rebecca se remplit de matériel, dont des membres artificiels, des tubes à perfusion intraveineuse et des spéculums métalliques pour les examens gynécologiques. « On ne les utilise plus ici, on se sert du plastique. Mais au Venezuela, on se contente de les nettoyer et de les utiliser », explique-t-elle.

Les hôpitaux vénézuéliens « tombent en ruine. On croirait qu’il y a eu une guerre, commente-t-elle. Il n’y a pas d’eau, ni d’électricité fiable, ni de médicaments. L’air conditionné ne fonctionne pas dans les salles d’opération et le système de dialyse s’est effondré. »

Ses envois contiennent aujourd’hui des masques, des gants et des blouses pour aider à prévenir la propagation de la COVID-19. Elle affirme que le virus a tué plus de 300 médecins dans le pays.

On demande souvent à Rebecca de lancer des appels de financement participatif en ligne pour aider les personnes et les familles sur place, quand « quelqu’un a un cancer ou quelqu’un a la COVID-19. Dans toutes les couches de la société. »

Sa mère, âgée de 74 ans, vit à Caracas. Rebecca l’appelle tous les jours. « Je peux encore sentir, humer, entendre les bruits de ma ville », témoigne-t-elle. Comme de nombreux Vénézuéliens au Canada, elle envoie des fonds dans son pays. « Mais parfois, je dois dire non, car financièrement, on ne peut pas tout supporter. J’aimerais pouvoir le faire. »

Mauricio Rico Quiroz – Étudiant

Mauricio Rico Quiroz passe du temps à Port Hood, sur l'île du Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse.

Mauricio Rico Quiroz a eu son premier aperçu du Canada à l’âge de 6 ans, dans une émission de télévision pour enfants qui présentait des images de totems et de feuilles d’érable rouges. Son père avait alors sorti une carte et lui avait montré le vaste pays. Mauricio rêvait depuis lors à le visiter un jour.

Il a commencé à mettre son plan à exécution une décennie plus tard, en se portant bénévole pour Interact, la division jeunesse du Rotary International. Mauricio s’est renseigné sur les échanges avec l’étranger pour les élèves du secondaire « et le Canada était pour moi un choix clair ».

Toutefois, il s’agissait d’un programme réciproque et Mauricio vivait à San Cristóbal, au Venezuela, près de la frontière avec la Colombie. Un pont étroit y est l’un des points de départ des réfugiés. « On voyait tous les jours des gens de partout au Venezuela, de Caracas, de ma ville et de l’intérieur du pays, traverser ce pont. »

Mauricio s’inquiétait, car il était impossible qu’un étudiant canadien soit envoyé dans son pays troublé dans le cadre d’un échange du Rotary. Il a écrit aux antennes de l’organisation à travers le Canada et reçu une réponse d’une section de Terre-Neuve qui avait transmis sa demande à un groupe de Dartmouth, en Nouvelle-Écosse.

Ce groupe a répondu : « Oui, nous avons une place pour vous. Nous n’accueillons pas d’étudiants dans le programme d’échange cette année, alors nous allons vous faire venir ici. »

Mauricio est arrivé au Canada en septembre 2019 et a adoré son année à l’école secondaire de Dartmouth. Les familles chez qui il a séjourné étaient accueillantes et « super serviables », dit-il. « Au Canada, il est facile de se sentir partie intégrante de la culture. C’est un pays très ouvert, et les mentalités envers la diversité et l’inclusion y sont excellentes. »

Le paysage canadien « a dépassé mes attentes », commente-t-il. Il a fait une visite « indescriptible » à l’île du Cap-Breton pour admirer les couleurs de l’automne. Mauricio a même profité de l’hiver canadien en allant patiner, skier et faire de la raquette.

« Bien de gens qui vivent depuis toujours dans le froid n’aiment pas ça, mais moi, je ne m’en lasse pas, dit-il. Au Venezuela, c’est l’été éternel. Toujours entre 20 et 30 degrés. »

Vers la fin de l’année scolaire, les clubs Rotary de la région ont proposé de parrainer Mauricio pour un visa d’étudiant de quatre ans. Inscrit à l’université Dalhousie pour une majeure en économie, il a suivi sa première année de cours en virtuel.

Il a voyagé dans les provinces de l’Atlantique et fait des présentations devant 17 clubs Rotary pour parler de la situation au Venezuela. Il aimerait voir le reste du Canada.

À aujourd’hui 18 ans, Mauricio s’ennuie de sa famille, mais reste en contact par l’entremise de FaceTime et s’inquiète de la situation là-bas. L’est du Canada compte une petite communauté vénézuélienne, et Mauricio aime rencontrer des gens de son pays. Il dit que les Vénézuéliens se reconnaissent à leur façon de parler espagnol. « Dans toute l’Amérique latine, nous sommes connus pour notre accent, car c’est comme si on chantait en parlant. Nous sommes très musicaux, au Venezuela. »

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