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La collaboration côtière contribue à accroître la résilience parmi les collectivités riveraines éloignées en Afrique de l’Ouest

La vie dans des communautés isolées situées sur des îles et des bandes riveraines entraîne une dépendance à l’égard des plantes et des animaux qui se trouvent au bord de l’eau ou sous l’eau. Il s’agit d’une réalité tant pour les personnes qui se trouvent près de vastes deltas de cours d’eau en Afrique de l’Ouest que pour les personnes qui vivent dans les régions maritimes du Québec.

Affaires mondiales Canada appuie des programmes de développement qui relient les deux régions éloignées. Le Collège d’enseignement général et professionnel (Cégep) de la Gaspésie et des Îles a mis en œuvre des projets qui contribuent à améliorer les conditions de vie et les moyens de subsistance de collectivités riveraines en Gambie, en Guinée, en Guinée-Bissau et au Sénégal, grâce à l’aquaculture durable, au renforcement du pouvoir économique des femmes et à la gestion des écosystèmes côtiers dans ces pays.

« Nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres », soutient Line Bourdages, coordonnatrice des activités du Cégep, à Dakar, au Sénégal. Le Cégep exécute des programmes de développement en collaboration avec un certain nombre de partenaires locaux et son École des pêches et de l’aquaculture du Québec. Mme Bourdages fait remarquer que même si les deux régions ont des espèces, des conditions et des climats différents, « nous avons une grande expertise relativement à la pêche et aux mollusques, et nous essayons d’apporter cette expertise à ces collectivités éloignées ». Selon Mme Bourdages, les deux régions sont confrontées à des problèmes communs, qui vont de l’érosion côtière liée à l’élévation du niveau de la mer à la surexploitation de leur pêche. « Il est essentiel de collaborer pour trouver des solutions. »

Une femme souriante aux cheveux foncés, portant un t-shirt noir et une jupe colorée, est assise sur des marches devant une porte.

Line Bourdages est la coordonnatrice des opérations à Dakar, au Sénégal, pour le Cégep de la Gaspésie et des Îles.

Source : Julie Lépine

Les projets comprennent des activités de rétablissement des mangroves le long du littoral de la région touchée par les changements climatiques, et un soutien aux personnes dans la récolte, la transformation et la mise en marché des huîtres et des petites palourdes appelées « arches » que l’on trouve là-bas. Le Cégep s’efforce également de renforcer les chaînes de valeur, de stimuler le tourisme, d’accroître la sensibilisation à l’économie circulaire, de promouvoir l’égalité des genres et les droits des populations vulnérables, et d’encourager les jeunes à participer aux activités économiques.

Une longue tradition de coopération internationale

Le Cégep, qui compte des campus à Carleton-sur-Mer, à Gaspé et à Grande-Rivière en Gaspésie ainsi qu’aux Îles-de-la-Madeleine, a commencé à exécuter des programmes en Afrique de l’Ouest en 1998. Ses premiers projets mettaient l’accent sur la sensibilisation aux régions éloignées parmi les personnes au Canada. Depuis, il a contribué à construire des installations de transformation des mollusques dans les collectivités côtières éloignées au Sénégal et il a encouragé d’autres activités comme l’écotourisme et l’entrepreneuriat des femmes dans ces communautés.

Dans le cadre d’un projet actuel appelé « Gouvernance féminine et Innovation » (GEFI) et réalisé dans trois villages du delta du Saloum au Sénégal, on se concentre sur le développement économique, social et environnemental de ces collectivités. Un autre projet, « Adaptation des populations côtières et économie bleue » (APOCEB), permet d’intensifier la construction d’unités de transformation des mollusques. Parmi ces unités, 26 sont construites dans des communautés isolées en Gambie, en Guinée, en Guinée-Bissau et au Sénégal.

Deux femmes portant un filet à cheveux, un masque et un tablier blanc tiennent un plateau de palourdes cuites et séchées.

Un plateau de palourdes cuites et séchées est prêt à être emballé dans l’une des unités de transformation des mollusques et crustacés.

Source : Cégep de la Gaspésie et des Îles

Mme Bourdages explique que les programmes dépendent de la participation locale et qu’ils rassemblent des chercheurs étudiants, d’éminents universitaires et des autorités locales de la région. Les projets tirent également parti de l’expertise d’enseignants de l’École des pêches et de l’aquaculture du Québec qui collaborent régulièrement avec les équipes sur le terrain. En janvier 2023, un groupe composé de 10 étudiants en sciences de la nature au Cégep ont participé à de courts stages au Sénégal pour connaître les projets qui y sont réalisés et acquérir une expérience pratique sur place.

« C’est assez révélateur d’être ici », affirme Mme Bourdages, qui vient d’un petit village appelé Maria, situé dans la Baie-des-Chaleurs, sur la côte sud de la Gaspésie. Elle souligne que la plupart des « zones d’intervention » éloignées du Cégep situées en Afrique de l’Ouest n’ont pas accès à Internet et n’ont pas de téléphone ou d’autres formes de communication. Certaines zones sont des îles qui se trouvent jusqu’à six heures en bateau de la grande agglomération la plus près.

En tant que physicienne qui a consacré sa carrière à la réalisation de travaux de recherche sur la progression des changements climatiques, Mme Bourdages voit aujourd’hui directement l’incidence de ces changements sur les collectivités côtières de l’Afrique de l’Ouest. Elle comprend également bien la nécessité de s’adapter aux changements climatiques et les avantages du renforcement de la résilience des personnes.

Un accent marqué mis sur les femmes

Par exemple, en raison du déclin des pêches, beaucoup d’hommes sont partis pour trouver un emploi ailleurs. Les femmes restent derrière pour être chefs de ménage et soutenir leur famille. « Nous essayons vraiment d’améliorer l’efficacité de leur travail », explique Mme Bourdages. Les projets GEFI et APOCEB encouragent les femmes à former des groupes pour qu’elles puissent, par exemple, trouver du financement en vue d’ouvrir la voie à de nouveaux débouchés économiques, ajoute-t-elle. « Nous souhaitons que ces activités aillent au-delà du projet; nous ne voulons pas que tout s’arrête lorsque nous partirons. »

Un panier de palourdes est tenu par une femme devant un plan d’eau.

Un panier de palourdes fraîchement pêchées, prêtes à être transformées.

Source : Cégep de la Gaspésie et des Îles

Les femmes dépendent des ressources naturelles pour mener des activités génératrices de revenus qui sont fragilisées par les changements climatiques. Selon Mme Bourdages, le Cégep les encourage à recueillir les mollusques de manière sélective pour que seulement ceux ayant atteint une certaine taille soient récoltés, ce qui permet aux juvéniles de croître et de se reproduire. Elles les nettoient et préparent dans les unités, les immeubles et les abris ouverts de transformation des mollusques, à l’aide d’équipement sécuritaire qui répond aux normes commerciales. Les femmes reçoivent une formation sur les finances pour qu’elles vendent leurs produits à profit. On les incite également à diversifier leurs activités lucratives et à entreprendre d’autres tâches comme l’apiculture et l’élevage du poulet « pour qu’elles ne dépendent pas seulement d’une ressource en déclin », explique Mme Bourdages. Elles utilisent les unités pour transformer les fruits pendant la « période de repos biologique » qui couvre plusieurs mois pluvieux au milieu de l’année au cours de laquelle la récolte de mollusques est interdite.

Sur l’île de Niodior, loin du delta du Saloum au Sénégal, l’amélioration du processus de transformation des mollusques fait en sorte que les produits peuvent se vendre à bon prix et être distribués localement et internationalement, précise Fatou Ndong Sarr, présidente d’une fédération de groupes de femmes locaux. Elle explique que le tri et le nettoyage des mollusques à la main prenaient du temps dans le passé. Le travail est maintenant accompli de manière efficace et hygiénique et il fait l’objet d’un contrôle de la qualité rigoureux.

Une Sénégalaise portant un foulard coloré et un châle rose à motifs sourit doucement.

Fatou Ndong Sarr est présidente d’une fédération de groupes de femmes locaux sur l’île de Niodior, au Sénégal.

Source : Aiza Ndoye

« Les femmes améliorent non seulement la gestion de l’activité, mais également la gestion de la ressource », dit-elle, ce qui permet d’exercer une influence et du pouvoir. Elles ont quadruplé le tarif qu’elles obtiennent pour leurs produits « et nous sommes les personnes qui fixent les prix », fait remarquer Mme Sarr. Les femmes comprennent mieux l’importance de protéger l’environnement naturel, et l’unité de transformation est devenue un noyau central de la collectivité. « Elle nous rassemble et nous permet d’imaginer d’autres solutions », commente-t-elle. Elle ajoute que ces occasions contribuent à endiguer l’« exode » des jeunes vers la ville.

 La recherche scientifique représente une grande partie du projet du Cégep, souligne Mme Bourdages, ce qui permet d’obtenir, par exemple, des renseignements sur l’effet des changements climatiques, la surexploitation des pêches et la réponse des mollusques au changement des niveaux de salinité. « La recherche est vraiment importante si on veut prendre des décisions éclairées à l’avenir. »

Comprendre l’importance des mangroves

Parmi toutes ces collectivités, les mangroves sont un dénominateur commun, ce qui permet de tirer de grandes leçons relativement à l’adaptation à l’environnement. Les mangroves sont un écosystème complexe propre aux zones intertidales situées dans les régions côtières de faible élévation de pays tropicaux et elles croissent aux endroits où la terre rencontre la mer. La végétation qui pousse à ces endroits et les animaux qui y vivent se sont adaptés aux conditions qui changent souvent, comme les marées qui les inondent continuellement d’eau de mer puis qui les exposent à l’air libre. Il s’agit de zones fertiles, mais parfois hostiles et fragiles qui se dégradent en raison de la pollution, de la vase et d’une augmentation des niveaux de salinité de l’eau et des sols.

Un groupe de personnes plante des semis de palétuviers sur une plage.

Des femmes plantent des semis de palétuvier, et en prennent soin.

Source : Cégep de la Gaspésie et des Îles

« Pour toutes ces raisons, il faut protéger les mangroves », explique Nicolas Mbengue, qui vient du Sénégal et travaille pour le Cégep, au projet APOCEB, à titre d’expert en environnement.

M. Mbengue, qui se spécialise dans le domaine du génie des eaux et du génie forestier, précise que les mangroves constituent un habitat essentiel pour les poissons, les mollusques et d’autres animaux aquatiques. Le littoral de l’Afrique qui s’étend du Sénégal jusqu’en Sierra Leone, connu sous le nom de « Rivières du Sud », est riche en mangroves. Cependant, la sécheresse, la construction de routes et de digues qui obstruent leur accès à la mer, ainsi que le déboisement et le défrichement aux fins de développement endommagent les mangroves, ce qui a entraîné une diminution de près de 40 % des mangroves à cet endroit de 1950 à 1995. Depuis, une sensibilisation accrue à leur importance écologique a mené au lancement de programmes de protection et de rétablissement des mangroves dans la région.

M. Mbengue précise que les arbres sont particulièrement touchés par la diminution des précipitations, ce qui mène à une hypersalinisation, tandis que l’élévation du niveau de la mer nuit à leur développement. Malgré tout, les mangroves peuvent atténuer les changements climatiques grâce à leur capacité de capter les gaz à effet de serre et de protéger le sol contre la pénétration de sel et l’érosion côtière, « ce qui contribue à l’adaptation, fait-il remarquer. L’écosystème des mangroves est un élément essentiel de la lutte contre les changements climatiques. »

Une grande partie des programmes d’APOCEB ont pour but d’accroître la sensibilisation des communautés à l’importance des mangroves, ajoute-t-il. Les femmes et les jeunes reçoivent de la formation sur les techniques de reboisement et participent ainsi à l’ensemencement et à la surveillance des mangroves situées dans des secteurs dégradés. Il est important que les personnes possèdent les connaissances nécessaires pour continuer à s’occuper des mangroves une fois que le projet du Cégep sera achevé, ajoute-t-il. « Les collectivités doivent bénéficier d’une autonomie. »

Un Sénégalais debout dans une eau peu profonde, tenant une propagule.

Nicolas Mbengue, qui travaille pour le Cégep en tant qu’expert en environnement, montre une propagule, c’est-à-dire la graine germée produite par un palétuvier.

Source : Séraphin Diatta

Favoriser la résilience des populations côtières

Selon Mme Bourdages, accroître la sensibilisation aux changements climatiques et à leurs répercussions sur les populations côtières est une étape essentielle du renforcement de leur résilience. « Vous devez comprendre ce qui vous menace pour être capable d’y faire face, dit-elle. Si vous ne vous préparez pas pour l’avenir ou si vous ne connaissez pas ce qui vous menace, que ce soit l’érosion côtière ou la salinisation des sols, comment lutterez-vous contre les menaces? Vous ne serez pas en mesure de trouver de solutions. »

Yolaine Arseneau, directrice générale du Cégep de la Gaspésie et des Îles, souligne qu’il est particulièrement gratifiant de voir les nouveaux produits fabriqués par des femmes en Afrique de l’Ouest avec l’aide des programmes du Cégep. Certains de ces produits ont été présentés l’année dernière au cours d’un forum sur l’économie circulaire qui a eu lieu sur l’île de Rubane située dans l’archipel des Bijagos en Guinée-Bissau. L’activité a rassemblé 100 personnes provenant de 28 villages dans les quatre pays où le Cégep réalise des projets. En outre, pendant le forum, les femmes ont rédigé un manifeste dans lequel elles demandent que des possibilités soient offertes à leurs enfants à l’avenir.

« Je suis fière de la contribution du Cégep à l’amélioration des conditions de vie des femmes, des jeunes et des familles de cette région, souligne Mme Arseneau. Nous vivons un magnifique moment ici. »

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