Carrières diplomatiques : quand la résilience du conjoint fait toute la différence
Le fait de représenter son pays à l’étranger revêt un prestige indéniable, mais tout n’est pas rose pour chacun. Derrière une façade de prestige ou d’exotisme, la vie à l’étranger comporte son lot de défis pour les familles de nos diplomates canadiens.
Le vieux cliché où le diplomate (généralement un homme) est accompagné d’une « épouse au foyer » vouée aux réceptions mondaines ne représente plus la réalité. De nos jours, les personnes qui accompagnent leur partenaire diplomate à l’étranger ont souvent déjà une carrière au Canada. Il est souvent difficile pour elles de poursuivre une carrière dans un autre pays et, dans la plupart des pays, les conjoints des diplomates ne peuvent pas obtenir un permis de travail. En outre, la rémunération locale peut être nettement inférieure au salaire canadien pour le même travail.
Sur le plan professionnel, les conjoints qui suivent leur partenaire à l’étranger sont donc confrontés à des défis importants. La plupart doivent mettre leurs aspirations professionnelles en veilleuse, ou du moins apprendre à réajuster leurs objectifs de carrière. Les plus chanceux parviennent à maintenir un emploi au Canada en obtenant une entente de télétravail, en dépit des années qu’ils passent à l’étranger. Certains bénéficient d’un congé sans solde, ce qui leur permet de reprendre leur poste au retour. Souvent, toutefois, l’expérience que ces personnes acquièrent à l’international n’est pas reconnue, et la progression de leur carrière est radicalement freinée.
« Je travaille, donc je suis »
Lorsqu’un diplomate entre en fonction dans un nouveau pays d’affectation, il bénéficie généralement d’un réseau professionnel déjà en place, et même d’un réseau social. Alors que les enfants d’âge scolaire se retrouvent peu à peu dans une routine scolaire bien établie, le quotidien peut être plus flou pour le parent qui n’a pas d’emploi dans ce nouveau pays. Ainsi, plusieurs des défis d’adaptation logistique et culturelle liés aux déménagements internationaux reposent sur cette personne.
« Quand tu ne travailles pas pour la première fois de ta vie adulte, c’est psychologiquement troublant, et cela peut nous toucher sur le plan identitaire », révèle Marie-Andrée Poupart, conjointe d’un diplomate canadien en Afrique, qui a dû laisser sa carrière en suspens. « C’est un peu comme une déconstruction de ce que tu es! Au début, cela peut être très contrariant », ajoute-t-elle.
Sans salaire, certaines personnes sont perplexes en ce qui a trait à leur autonomie financière, et se questionnent sur l’égalité dans le couple. Plusieurs vivent une solitude intense, d’autres trouvent des moyens pour s’épanouir malgré les obstacles, par exemple en s’intéressant à la culture locale ou en s’inscrivant à des activités pour découvrir et apprécier leur nouveau milieu.
Puisqu’il est crucial de veiller à ce que les enfants s’adaptent à leur nouvel environnement, de nombreux parents trouvent des astuces pour créer un réseau de personnes-ressources et d’amis locaux. Ils s’assurent aussi que leurs enfants entretiennent des amitiés à long terme malgré les déménagements. À l’opposé, d’autres parents se sentent déroutés par leurs nouvelles conditions de vie — par exemple, la proximité des voisins — et préfèrent rester discrets. Vivre dans le même complexe d’habitations que d’autres Canadiens de l’ambassade ou être constamment identifié comme un étranger dans la rue, cela peut donner le sentiment d’avoir moins de vie privée.
Apprendre à s’adapter
La vie à l’étranger est parfois associée à une perte de liberté de mouvement, voire d’autonomie, en raison de déplacements plus ardus pour des questions de sécurité, de congestion ou en lien avec des traditions locales, comme les fêtes religieuses. Des barrières linguistiques peuvent également mener à d’importants défis, tout comme les concepts locaux d’efficacité — la façon dont les choses fonctionnent au quotidien.
Pour ajouter aux défis parentaux, les garderies ou les camps d’été sont parfois rarissimes à l’étranger. Ainsi, prendre soin des enfants à temps plein ou durant les vacances scolaires peut limiter les possibilités d’emploi.
Le mode de vie varie beaucoup entre les pays développés et les pays en développement, et les différences peuvent être ressenties plus profondément par certains membres de la famille. Manger 100 % local, ce n’est pas facile. Lorsque les enfants sont confrontés à l’instabilité dans leur nouvel environnement, ils aiment retrouver les aliments auxquels ils sont habitués.
Les familles peuvent devoir s’adapter à des circonstances inattendues — par exemple, lorsque la vie locale est bouleversée par des pannes d’électricité fréquentes ou prolongées, ou de violentes intempéries, ou encore par des événements rares mais plus sérieux menant à une évacuation du pays.
S’ils ont des adolescents en fin d’études secondaires, les conjoints doivent parfois gérer des problèmes de compatibilité entre différents systèmes scolaires. Certains étudiants doivent suivre des cours d’appoint en plus de devoir s’adapter à une approche éducative et à un milieu scolaire différents. La résilience se bâtit jeune : demandez à un jeune qui doit accepter que la connexion Internet soit désormais trop lente ou trop instable pour jouer à ses jeux vidéo!
On peut donc comprendre que pour plusieurs conjoints l’espace mental pour l’épanouissement professionnel ne soit pas très grand. Le choc initial qu’ils subissent peut être majeur, mais la plupart des gens s’adaptent à la culture d’accueil en 6 mois environ. Sans nécessairement adorer leur nouveau milieu de vie, ils apprennent peu à peu à y trouver leur équilibre — et parfois même du bonheur.
Une occasion de remodeler sa vie
Ceux qui sont heureux dans leur poste à l’étranger s’entendent sur ce point : il faut faire preuve de souplesse et savoir s’occuper de soi-même pour parvenir à y recréer sa vie. Ce saut dans un autre monde est l’occasion d’élargir ses champs d’intérêt et d’explorer d’autres facettes de sa personnalité : « Qui suis-je, moi, dans ce pays asiatique, arabe, latin? »
Si les possibilités professionnelles ne se manifestent pas, certains conjoints s’attaquent à des objectifs qu’ils n’auraient pu atteindre autrement : retourner aux études grâce à la formation à distance ou entreprendre un projet lié à leurs talents créatifs (photographie, peinture, écriture, etc.). Certaines personnes font du bénévolat ou envisagent sérieusement de se remettre en forme. Chez les plus actifs, c’est un peu de tout cela à la fois!
Pour sa part, Marie-Andrée a jugé qu’elle devait demeurer professionnellement active pendant son séjour à l’étranger afin de profiter pleinement de cette expérience internationale. Bien qu’elle ait une autre carrière au Canada, elle a développé des compétences en coaching, qui peuvent lui être utiles où qu’elle soit. Elle croit que sa santé mentale s’en porte mieux puisqu’elle peut créer des projets pour aider les autres, et elle ne s’ennuie pas. « Mais cela demande beaucoup de motivation et du temps », dit-elle.
Conscient des défis associés à la vie dans le service extérieur, AMC offre des services de soutien en santé psychologique aux employés et aux membres de leur famille, tant pour des problèmes personnels que pour ceux liés au travail.
Chose certaine, les difficultés auxquelles sont confrontés les membres des familles diplomatiques peuvent les aider à devenir mieux outillés et plus agiles, à la fois comme individus et comme professionnels. Pour apprécier pleinement leur vie à l’étranger et mener une vie familiale équilibrée, les parents doivent tenter de transmettre à leurs enfants leur soif d’aventure et de découvertes. Compte tenu de la richesse des expériences qu’ils ont l’occasion de vivre, plusieurs diront sans hésiter que les sacrifices en valent le coup!
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