Une bénévole devient « militante à vie pour l’éducation sexuelle » de la jeunesse togolaise
Hayathe Ayeva a grandi à Sokodé, une ville du centre du Togo, et elle rêvait d’une carrière de professionnelle de la santé. Elle étudiait assidument à l’école et voyait chez les filles qui l’entouraient une volonté similaire et un grand potentiel. À l’âge de 12 ans, certaines de ses amies sont devenues actives sexuellement. Dans leur communauté conservatrice toutefois, elles n’avaient pas accès à une éducation sexuelle pour leur enseigner le consentement, l’autonomie corporelle ou des méthodes de contraception, de sorte que les portes de l’avenir qu’elles espéraient se sont rapidement refermées.
« Je ne supportais vraiment pas de voir mes amies, qui étaient brillantes à l’école et sûrement promises à un bel avenir, abandonner soudainement leurs études à cause d’un mariage précoce, d’une grossesse ou de violences fondées sur le genre », se souvient Ayeva. « Cette situation m’a attristée et révoltée, car je pensais qu’ensemble, nous allions poursuivre des études supérieures et devenir financièrement indépendantes. J’ai décidé de m’engager pleinement dans la défense des droits de la personne, en particulier les droits en matière de santé reproductive. »
Ayeva a décidé de se joindre à l’Association togolaise pour le bien-être familial (ATBEF), une organisation non gouvernementale membre de la Fédération internationale pour la planification familiale (IPPF) menant des activités dans le domaine de la santé et des droits sexuels et reproductifs. Elle a commencé à travailler bénévolement comme éducatrice pour les pairs, aidant les jeunes à s’informer sur divers sujets allant de la protection contre les infections transmissibles sexuellement à la bonne utilisation des contraceptifs.
Aujourd’hui, à 23 ans, Ayeva est la présidente nationale du Mouvement d’action des jeunes de l’ATBEF. Dans le cadre d’un projet soutenu par Affaires mondiales Canada, l’organisation a mis en place des kiosques qui offrent des services de contraception et d’autres initiatives adaptées aux besoins des jeunes dans 2 universités publiques du Togo. Il existe également des cliniques mobiles, une application pour téléphone intelligent nommée InfoAdoJeunes qui propose des services de téléconsultation et une qui offre des cours complets et gratuits d’éducation sexuelle à l’intention des jeunes.
Elle affirme que de telles activités sont essentielles compte tenu de la population jeune du Togo. Dans ce pays d’Afrique de l’Ouest comptant plus de 7,2 millions d’habitants, 60 % des habitants ont moins de 25 ans et 42 % ont moins de 15 ans. En outre, une fille sur 6 aura un enfant avant l’âge de 18 ans.
Selon Ayeva, de nombreux obstacles freinent l’amélioration de la compréhension de la sexualité chez les jeunes du pays, notamment les tabous sexuels, les longues distances à parcourir pour accéder à des services de santé adaptés aux jeunes ainsi que l’accès limité des jeunes aux centres de santé publique, à l’information sur la sexualité et aux soins contraceptifs.
Les initiatives soutenues par le Canada ont une incidence concrète en renforçant les capacités des conseillers jeunesse qui offrent des services cliniques, explique la jeune bénévole. L’ATBEF organise et dirige diverses activités dans le but de veiller à ce que les jeunes aient accès à la « bonne information » en toute confidentialité. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 2021, malgré la crise de la COVID-19, les 2 kiosques installés dans des universités ont permis d’offrir 28 154 services éducatifs et sanitaires aux jeunes du Togo. En 2022, l’ATBEF a fourni des services à 172 538 personnes dans le cadre du programme soutenu par Affaires mondiales Canada.
Ayeva, qui vit à Lomé, la capitale du Togo, et qui est devenue membre du conseil d’administration mondial de l’IPPF en novembre dernier, garde sans cesse à l’esprit ses jeunes amies qui ont dû interrompre leurs études en raison de mariages et de grossesses précoces. « Je suis constamment interpellée par ma conscience, dit-elle. Je veux vraiment susciter des changements concrets dans la vie des jeunes. »
Elle est fière d’être une jeune leader et un modèle dans sa communauté, et se définit comme une « militante à vie pour l’éducation sexuelle ». Elle estime que grâce aux activités de l’ATBEF et au soutien de partenaires tels que le Canada, « les tabous sont un peu tombés de nos jours, et les gens sont plus enclins à parler de sexualité ».
Elle poursuit son objectif de devenir docteure en santé publique responsable d’une grande organisation sociale. L’année dernière, Ayeva a obtenu un diplôme en sciences pharmaceutiques et elle prévoit ensuite entamer une maîtrise en santé publique. Dans l’avenir, elle aimerait travailler dans un domaine tel que les sciences de la reproduction et obtenir un poste de spécialiste au sein des Nations Unies.
Ayeva écrit de la poésie et a récemment composé un poème pour un événement de l’IPPF à Abidjan, en Côte d’Ivoire. Intitulé « J’ai peur », ce poème exprime ses inquiétudes quant à l’augmentation du nombre de grossesses chez les adolescentes, de la violence fondée sur le genre et de la discrimination.
Si son poème brosse un tableau sombre de la société, il précise que « sa destinée se trouve dans les mains de sa jeunesse » et souligne l’importance du militantisme. « Au-delà de ma peur, je demeure confiante / […] je vois une lueur d’espoir à l’horizon, écrit Ayeva. Ensemble, nous pouvons changer le monde. »
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