Espoir et mathématiques : les programmes d’études sont porteurs de promesses pour les filles et les femmes en Afghanistan
Lorsque les talibans ont pris le contrôle de l’Afghanistan en 2021, le professeur Angelo Mingarelli s’est inquiété pour les filles et les femmes du pays qui n’avaient soudainement plus la possibilité d’aller à l’école.
Aujourd’hui, ce professeur de mathématiques à l’Université Carleton d’Ottawa collabore avec une organisation canadienne pour diffuser ses cours sur le Web. À partir de cet automne, il commencera à enseigner le calcul de première année aux personnes qui veulent faire carrière en génie.
« Je veux susciter la passion de l’apprentissage chez les femmes en Afghanistan », affirme le professeur Mingarelli, qui a enseigné les mathématiques avancées pendant plus de 45 ans et qui, en tant que père de 4 filles adultes, comprend l’importance de l’éducation pour les filles et les femmes. Lorsqu’il a appris que l’association Canadian Women for Women in Afghanistan (CW4WAfghan) offrait aux femmes afghanes une plateforme d’apprentissage à distance, il a proposé d’offrir le cours en ligne qu’il avait mis au point pendant la pandémie de COVID‑19 et d’enseigner sur le Web dans le cadre d’un projet pilote. « Je suis prêt. »
Le cours du professeur Mingarelli est l’une des nombreuses offres de CW4WAfghan qui soutiennent les filles et les femmes afghanes – à la fois celles qui vivent dans le pays et celles qui sont déplacées en tant que réfugiées – en leur offrant l’occasion de poursuivre leurs études, explique Murwarid Ziayee, directrice principale de l’association établie à Calgary. Le groupe a été créé en 1998 pour fournir une éducation de qualité et axée sur l’égalité entre les genres en Afghanistan, explique Mme Ziayee, qui s’est jointe à CW4WAfghan en Afghanistan en 2010 et qui est arrivée au Canada en 2018.
Elle a constaté par elle-même l’incidence du régime taliban sur l’éducation des femmes. Mme Ziayee étudiait le droit et les sciences politiques à l’Université de Kaboul en 1996 lorsque les talibans ont pris le pouvoir, et il lui a été interdit de terminer ses études. Lorsque les talibans ont quitté le pouvoir 5 ans plus tard, elle est retournée sur les bancs d’école pour obtenir son diplôme, ce qui n’a pas été le cas de beaucoup d’autres, note‑t‑elle. « J’ai eu la chance d’être l’une des femmes diplômées. »
« L’apartheid fondé sur le genre » en Afghanistan a des répercussions sur les plans de la situation économique, du développement et de la santé des femmes, note Mme Ziayee, et il pourrait limiter le nombre de professionnelles qualifiées dont l’Afghanistan a besoin. « Aucun pays ne peut progresser s’il empêche la participation des femmes et des filles. »
CW4WAfghan propose des outils virtuels, appelés Darakht-e Danesh Academi (qui signifie « classe de l’arbre de connaissances »), qui permettent aux Afghanes du pays et de la région d’accéder à l’éducation. Elle s’est associée à Affaires mondiales Canada dans le cadre du programme Gender Equity in Teacher Training (GETT) (Égalité des genres dans la formation des enseignantes et enseignants), qui a permis à plus de 6 000 éducatrices et éducateurs afghans déplacés dans les pays voisins de l’Afghanistan de bénéficier d’une formation virtuelle gratuite sur des sujets comme les traumatismes, les compétences numériques et l’analyse comparative entre les genres. Les participantes et les participants ont reçu des certificats à l’issue des cours, dont un de l’Université de la Colombie-Britannique, qui a fourni le module sur les traumatismes adapté et traduit pour ce programme.
My TOEFL House, une organisation située à Rawalpindi, au Pakistan, a eu recours au programme GETT pour offrir des cours d’anglais et de commerce ainsi que des séances de formation aux réfugiées et réfugiés afghans, explique Sayed Dawood Hussaini, enseignant et cofondateur de l’organisation.
« Avant que les élèves ne puissent suivre des cours en ligne, nous devons les initier à l’informatique et leur montrer ce que sont un logiciel, du matériel informatique et un navigateur Internet. Il s’agit de besoins très élémentaires », explique M. Hussaini. « Ces jeunes sont traumatisés et n’ont aucune direction dans la vie. Nous avons créé des cours qui leur donnent l’espoir de repartir à zéro et leur ouvrent la voie vers de nouveaux accomplissements. »
Affaires mondiales Canada soutient l’élargissement des capacités de l’école en ligne de CW4WAfghan qui, selon Mme Ziayee, permettra à 1 000 filles de la 7e à la 12e année d’assister virtuellement aux cours.
L’association propose également des cours d’anglais gratuits en ligne pour les femmes et les jeunes filles afghanes, en collaboration avec l’Université d’État de l’Arizona. Plus de 15 900 d’entre elles sont déjà inscrites sur la liste pour suivre ces cours. Mme Ziayee explique que CW4WAfghan cherche à établir des partenariats avec des universités canadiennes afin de soutenir les étudiantes en Afghanistan et dans la région, notamment pour les accepter en tant qu’étudiantes transférées, leur permettre de s’inscrire virtuellement, les dispenser des frais de dossier ou leur fournir une aide financière.
Le professeur Mingarelli s’attend à ce que son cours de calcul de première année compte d’abord de 50 à 100 étudiantes. « Elles entendront ma voix, me verront enseigner, prendront des notes, et nous bâtirons à partir de là. M. Mingarelli souhaite ajouter un cours de deuxième année et croit qu’il serait possible d’offrir des cours à 10 000 étudiantes, « tant que les serveurs en ont la capacité ».
Selon lui, la pandémie « a été une période terrible dans l’histoire de l’humanité, mais elle a en fait mené à une révolution dans l’apprentissage » grâce au développement de l’enseignement numérique. Son matériel de cours profitera désormais aux femmes en Afghanistan qui sont « coincées à la maison », tout comme les gens l’étaient lors de la crise de la COVID‑19. « Nous savons ce que nous avons à faire, tant sur le plan administratif qu’éducatif », affirme-t-il. Outre la mise en ligne de ses documents traduits en persan, il estime qu’il est essentiel « d’interagir avec ces femmes. Elles doivent pouvoir vous poser des questions en direct, elles doivent voir vos yeux bouger et elles doivent voir votre passion pour le sujet ».
Il estime qu’il est important que les femmes qui suivent son cours et réussissent l’examen obtiennent des « microcrédits » reconnus par l’Université Carleton et par d’autres établissements. Cette démarche pourrait être compliquée par le fait que les étudiantes ne seront pas techniquement inscrites, ne paieront pas de droits de scolarité et ne suivront pas de cours sur le serveur de l’Université Carleton. « L’université doit faire preuve d’une certaine confiance », explique le professeur Mingarelli. « Dans le pire des cas, je rédigerai un certificat pour chacune des femmes qui aura réussi mon cours. »
Il craint que les filles et les femmes en Afghanistan ne soient découragées par le manque de perspectives de carrière dans ce pays. Il espère que les étudiantes de sa classe virtuelle « se rendront compte qu’elles ne sont pas seules. Elles ouvriront les yeux et se diront : "D’accord, il y a tout un monde auquel nous pouvons nous joindre" ». Le professeur Mingarelli souhaiterait également que l’Université Carleton offre des bourses gratuites aux Afghanes pour qu’elles puissent venir au Canada et y poursuivre leurs études.
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