La réunion phare d’Ottawa met l’accent sur les défis et les possibilités du développement durable dans les Caraïbes
Lorsque les représentants de quelque 28 pays se réuniront à Ottawa du 17 au 20 juin pour la 54e assemblée annuelle du Conseil des gouverneurs de la Banque de développement des Caraïbes (BDC), cela marquera une nouvelle étape dans la longue histoire du Canada avec les Caraïbes et avec la principale institution financière régionale.
L’assemblée rassemblera l’organe de décision le plus élevé de la banque, qui aide les pays des Caraïbes à financer des programmes de développement social et économique. Des leaders d’opinion, des universitaires, des experts financiers, des représentants des gouvernements et de la société civile, des jeunes et des groupes autochtones se réuniront également pour aborder des questions d’une importance cruciale pour la région, telles que les changements climatiques.
« Il s’agit d’un événement phare pour une institution qui est en mesure d’aider les Caraïbes à relever les défis du développement durable dans l’avenir », déclare Therese Turner-Jones, vice-présidente intérimaire des opérations pour la banque, qui est basée à la Barbade.
La BDC a été créée en 1969, quatre années après une conférence Canada-Commonwealth des Caraïbes. Il avait alors été recommandé de créer une institution financière au service des pays et territoires des Caraïbes membres du Commonwealth. Son objectif est de contribuer à la croissance et au développement de la région, tout en facilitant la coopération et l’intégration économiques entre les membres.
« Nous transformons des vies en réfléchissant à de nombreux aspects : l’éducation, les infrastructures, le développement social, les changements climatiques, l’égalité des genres, les questions autochtones et la résilience financière », explique Mme Turner-Jones. « L’objectif est de soutenir la croissance dans la région. »
« Une banque qui est en grande partie le fruit de l’engagement du Canada dans les Caraïbes »
Aujourd’hui, la BDC comprend 19 pays emprunteurs régionaux, 4 pays non emprunteurs régionaux et 5 pays non emprunteurs non régionaux, dont le Canada, membre fondateur de l’institution.
« La banque est en grande partie le fruit de l’engagement du Canada dans les Caraïbes », déclare Sharon Peake, directrice exécutive du Canada au Conseil d’administration de la BDC, qui supervise la politique et les opérations de l’institution.
Mme Peake, qui est directrice exécutive du Programme de développement régional des Caraïbes au sein d’Affaires mondiales Canada, note que le Canada préside actuellement le Conseil des gouverneurs de la BDC. Le pays entretient depuis longtemps des liens avec la Communauté des Caraïbes (CARICOM), dit-elle, et a accueilli le premier sommet des dirigeants Canada-CARICOM en octobre 2023. « Nous nous sommes engagés au plus haut niveau à poursuivre cette relation et à entretenir des liens étroits avec les Caraïbes.
Par exemple, le Canada est le premier contributeur au Fonds de développement spécial (FDS) de la BDC, une réserve de ressources pour les pays membres emprunteurs qui ont un revenu plus faible ou qui sont plus vulnérables aux changements climatiques. Les fonds sont utilisés pour lutter contre la pauvreté et relever les défis du développement humain. Les prêts du FDS sont assortis de taux d’intérêt moins élevés et de périodes de remboursement plus longues que les prêts ordinaires de la BDC, et des subventions sont disponibles pour l’assistance technique, le renforcement des capacités et les projets menés par les collectivités.
Depuis 1984, le FDS a accordé plus de 2,1 milliards de dollars de prêts et de subventions à la région. Ces projets ont eu une incidence considérable sur le développement régional dans des domaines tels que l’éducation, les infrastructures et la sécurité de l’eau, ainsi que le renforcement des capacités du gouvernement et des institutions nationales.
Une région très vulnérable aux changements climatiques
Les changements climatiques sont un important facteur dans les Caraïbes, car les caractéristiques géographiques et physiques rendent les pays très vulnérables aux catastrophes naturelles et aux risques tels que les tempêtes tropicales, les ouragans, les inondations et les sécheresses. La BDC aide les pays membres emprunteurs à réduire les risques de catastrophe et à déployer des efforts de reconstruction et de réhabilitation, explique Valerie Isaac, chef de division de l’unité de durabilité environnementale.
La banque, qui est une institution partenaire accréditée du Fonds vert pour le climat et du Fonds d’adaptation climatique, veille à ce que les normes de performance environnementale et sociale soient mises en œuvre dans toutes ses initiatives, note-t-elle.
« Cette région est l’une des plus vulnérables, il est donc impératif que les projets que nous finançons soient capables de résister aux effets du climat », explique M. Isaac. La BDC travaille avec les collectivités pour renforcer la résilience par le biais de leurs infrastructures sociales et économiques, et promeut les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique.
Les changements climatiques sont particulièrement importants pour la banque, car elle ne compte qu’un petit nombre de pays clients, explique-t-elle. « Il est déjà arrivé que des tempêtes touchent gravement plus d’un pays. Les récents ouragans de catégorie 5, Irma et Maria en 2017 et Dorian en 2019, ont causé des centaines de morts et entraîné des pertes économiques dévastatrices. Par exemple, l’île de la Dominique a déclaré avoir subi des pertes s’élevant à plus de 226 % de son PIB.
Mme Isaac souligne que de nombreux secteurs du développement social sont sensibles aux effets des changements climatiques. « Il y a des dégâts dans les zones côtières et sur les terres agricoles, une perte de biodiversité et des périodes de sécheresse. Tous ces éléments sont essentiels pour la région », déclare-t-elle, ajoutant que le Canada a été un « partenaire clé de la banque » dans la programmation relative aux changements climatiques.
En Dominique, un projet soutenu par le Canada a permis de réhabiliter et de moderniser cinq écoles élémentaires détruites par l’ouragan Maria, tout en tenant compte de la résilience climatique, de la sécurité des écoles et des besoins particuliers des étudiantes, des enseignantes et du personnel.
« Le gouvernement canadien s’est vraiment engagé à ce que nous puissions reconstruire nos écoles », déclare Cozier Frederick, ministre de l’Environnement, de la modernisation rurale et de l’Épanouissement des Kalinago à la Dominique. « Il nous a permis d’obtenir certains des meilleurs matériaux de construction disponibles et d’intégrer les connaissances traditionnelles et l’expertise locale dans le processus ».
Un engagement en faveur des collectivités résilientes et de la transition énergétique
M. Frederick, député et membre autochtone du territoire de Kalinago, qui se trouve dans sa circonscription, explique qu’un autre projet canadien mené par la BDC prévoit d’aider les habitants de Kalinago à améliorer leur résistance au climat et leur préparation aux catastrophes. Ce projet comprend l’élaboration d’un plan global de gestion des risques de catastrophes, une formation à l’agriculture intelligente face au climat, la construction d’abris d’urgence et le renforcement des mécanismes de gouvernance afin d’intégrer les changements climatiques, la gestion des catastrophes et l’égalité des genres dans la prise de décision.
Selon lui, la Dominique, une île des Caraïbes orientales de 72 000 habitants, dont 3 000 Kalinago, « est peu responsable des changements climatiques dûs aux émissions de gaz à effet de serre. Mais nous sommes confrontés à des ouragans, à la montée des eaux, au décalage des saisons des pluies et des saisons chaudes ». C’est ce qui a amené le pays à faire appel à la BDC, « et le Canada a répondu pour s’assurer que nous pouvions mettre en place des mesures pour faire face à ces événements météorologiques », dit-il.
« Pour construire des collectivités résilientes, les gens doivent s’approprier le projet », explique M. Frederick. Par exemple, il faut non seulement construire des infrastructures pour résister à un ouragan, mais aussi les gérer et les entretenir. « Nous ferons tout en notre pouvoir pour être prêts.
Sur le plan de l’action climatique, Mme Peake note que le Canada, en partenariat avec la BDC, a joué un rôle déterminant dans les programmes visant à promouvoir les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. Le programme Soutien à l’énergie verte résiliente (Supporting Resilient Green Energy [SuRGE]) d’Affaires mondiales Canada, par exemple, comprend une aide au développement de l’énergie durable.
« La transition énergétique est importante pour les Caraïbes », déclare Mme Peake, ajoutant que des initiatives telles que SURGE visent à augmenter l’ampleur et le rythme de l’énergie verte. Selon elle, la BDC occupe un créneau que les autres partenaires n’ont pas, « en raison du rôle qu’elle joue dans la région ». Il existe un intérêt croissant pour permettre et encourager les investissements du secteur privé dans ce domaine.
Relever les défis, regarder vers l’avenir
La nécessité de mobiliser les ressources du secteur privé en faveur du développement durable sera l’un des thèmes abordés lors de la prochaine réunion, indique Mme Turner-Jones. Le thème choisi est « Partenariats pour une prospérité résiliente », soulignant le rôle de chef de file de la BDC dans le soutien à la région.
Selon Mme Turner-Jones, cet événement est l’occasion pour les principaux décideurs de se rencontrer et de discuter des questions financières et économiques importantes qui affectent le développement des Caraïbes. Elle souligne que l’événement comprendra des séminaires spéciaux, des conférences et des exposés sur des questions telles que la logistique de la chaîne d’approvisionnement dans les Caraïbes, les industries créatives et les moyens de rendre la région plus accueillante pour les investisseurs.
Selon Mme Peake, les efforts de la BDC en matière d’égalité des genres, de jeunesse, de populations autochtones et de populations marginalisées revêtent une importance cruciale. « Il est très réjouissant d’avoir l’occasion de mettre en lumière ces questions ici au Canada. J’ai hâte que tout le monde puisse voir nos initiatives et nos projets », dit-elle. « Cela nous permet de mettre en valeur l’engagement du Canada et nos contributions à la banque au fil des ans ». Le Canada a déjà accueilli la réunion annuelle du Conseil des gouverneurs de la BDC à Halifax en 2008 et à Toronto en 1997.
Mme Peake s’attend à ce que la réunion d’Ottawa « donne lieu à de bonnes discussions sur l’architecture financière mondiale dans laquelle nous travaillons et sur ce qu’il convient de faire » pour soutenir au mieux les membres emprunteurs de la BDC. « J’espère que nous pourrons continuer à miser sur le rôle de la banque dans ce contexte mondial pour vraiment accorder la priorité aux besoins des pays des Caraïbes », ajoute-t-elle.
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