La signification des actes introductifs d’instance judiciaire ou administrative mettant en cause le Gouvernement du Canada dans d’autres États

Note circulaire no JLA-1446 du 28 mars 2014

Le Ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (Direction générale des affaires juridiques) présente ses compliments à Leurs Excellences les Chefs de Mission diplomatique et les Chargés d'affaires a.i. dûment accrédités au Canada et a l’honneur de se référer à la question de la signification des actes introductifs d’instance judiciaire ou administrative mettant en cause le Gouvernement du Canada dans d’autres États.

1. Résumé

Le droit international coutumier relatif à l’immunité de juridiction dont bénéficient les États par rapport aux autorités des autres États prévoit des règles spéciales quant à la signification aux États souverains d’actes introductifs d’instance. Essentiellement, la signification valide de tels documents doit se faire par les voies diplomatiques : le ministère des Affaires étrangères de l’État du for (l’État du forum) doit les transmettre, par l’entremise de sa mission diplomatique accréditée auprès de l’État défendeur, au siège du ministère des Affaires étrangères de l’État défendeur dans la capitale de ce dernier, au moins soixante jours avant la prochaine étape des procédures. Le Ministère demande l’assistance de Leurs Excellences les Chefs de missions diplomatiques et les Chargés d'affaires a.i. dûment accrédités au Canada pour informer les autorités diplomatiques, juridiques et judiciaires de leurs États respectifs du contenu de la présente note.

2. Contexte

Le Ministère note que le droit international coutumier relatif à l’immunité de juridiction dont bénéficient les États par rapport aux autorités des autres États prévoit des règles spéciales quant à la signification aux États souverains d’actes introductifs d’instance. L’immunité de l’État, dans ses diverses manifestations procédurales et de fond, est un attribut de la souveraineté de chaque État. Ce principe du droit international coutumier est donc intrinsèquement lié à la dignité et à l’égalité de tous les États et au respect et à l’estime que se doivent les États dans la communauté des nations. Les règles spéciales de signification aux États reflètent leur statut supérieur relativement aux personnes privées.

Le Ministère diffuse cet énoncé du droit international applicable en ce domaine à la suite de récentes affaires, où des procédures émanant d’un autre État n’ont pas été signifiées comme il se doit au Gouvernement du Canada. Ces instances signifiées de manière inappropriée ont donné lieu à des procédures longues et complexes, qui ont porté préjudice à toutes les parties concernées. Bien que le Canada soit tout disposé à remplir ses obligations juridiques dans d’autres territoires, telles qu’elles sont définies et balisées par le droit international, il reste que sa participation à des procédures dans d’autres États dépend du respect des critères procéduraux pertinents, dont la signification valide. La complexité des litiges modernes et la nature transnationale des activités gouvernementales rendent d’autant plus nécessaires les protections octroyées aux États en droit international sous la forme de la signification valide.

3. Éléments particuliers de l’immunité de l’État en ce qui concerne la signification valide

Le Ministère tient donc à souligner que la signification valide d’actes introductifs d’instance judiciaire ou administrative est accomplie par la voie diplomatique : le ministère des Affaires étrangères de l’État du for doit les transmettre, par l’entremise de sa mission diplomatique accréditée auprès de l’État défendeur, au siège du ministère des Affaires étrangères de l’État défendeur dans la capitale de ce dernier. La signification à une mission diplomatique ou à un poste consulaire, par quelque moyen que ce soit, est donc sans effet et constitue par ailleurs une infraction à l’Article 22 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques ou à l’Article 31 de la Convention de Vienne sur les relations consulaires, qui prévoient respectivement l’inviolabilité des locaux diplomatiques et consulaires.

Le Ministère note par ailleurs que le droit international coutumier exige que l’on accorde aux États un délai approprié afin de se préparer pour la prochaine étape des procédures après la signification de documents introductifs d’instance. Cette exigence reconnaît le caractère complexe et transnational des activités de chaque État et le besoin qui en résulte d’un délai additionnel, au-delà de ce qui est normalement octroyé à une partie privée locale, pour se préparer au litige à venir, notamment pour désigner un avocat local, trouver des dossiers pouvant être disséminés dans plusieurs endroits et préparer des arguments fondés sur la compétence. Les lois de plusieurs États, notamment celles de l’Australie, des États-Unis d’Amérique et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, prévoit un délai de soixante jours ou de deux mois entre la signification et la prochaine étape des procédures, et le Ministère considère que soixante jours est la période minimale qui puisse satisfaire l’exigence d’un délai approprié.

Le Ministère note finalement que les missions canadiennes à l’étranger n’ont aucune personnalité légale ou juridique distincte de celle du Gouvernement du Canada. Ainsi, toute procédure judiciaire ou administrative nommant comme défenderesse une mission canadienne, ou quiconque autre que le « Gouvernement du Canada », serait nulle et sa signification, sans effet.

4. Politique du Canada en matière de signification valide

Le Ministère a l’honneur de noter que, en vertu de la du Canada, le Canada assure à tout autre État les protections mentionnées précédemment quant à la signification de documents introductifs d’une instance au Canada, lesquels documents seront transmis par voie diplomatique à leur ministère des Affaires étrangères dans leurs capitales respectives au moins soixante jours avant la prochaine étape des procédures.

Lorsque le Canada n’est pas signifié en conformité avec les normes énoncées précédemment, le Ministère souligne que le Gouvernement du Canada se réserve le droit de ne pas participer à l’instance judiciaire ou administrative en question. Le Gouvernement du Canada se réserve par ailleurs le droit de restreindre les privilèges et immunités reconnus aux autres États dans le territoire canadien lorsque ceux-ci dépassent ceux reconnus au Canada dans ces autres États, tel que prévu dans la  du Canada.

À titre de référence dans l’avenir, la signification valide de documents introductifs d’instance judiciaire ou administrative désignant le « Gouvernement du Canada » comme défendeur doit se faire par voie diplomatique par le ministère des Affaires étrangères de l’État du for, qui transmettra les documents accompagnés d’une note diplomatique, par l’entremise de sa mission diplomatique accréditée au Canada, au siège du Ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement à Ottawa, au moins soixante jours avant la prochaine étape des procédures, à l’adresse suivante :

Ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement
Direction du droit criminel, du droit de la sécurité et du droit diplomatique (JLA)
125, promenade Sussex
Ottawa (Ontario)
K1A 0G2
CANADA

Il serait très utile que les documents rédigés dans une autre langue soient traduits dans l’une des langues officielles du Canada, le français ou l’anglais, afin de permettre au Gouvernement du Canada de réagir promptement à de tels documents.

5. Demande

Le Ministère prie Leurs Excellences les Chefs de Missions diplomatique et les Chargés d'affaires a.i. dûment accrédités au Canada de bien vouloir informer les autorités de leur État respectif, y compris le bureau des affaires juridiques de leurs Ministères respectifs ainsi que les cours et autres entités judiciaires et administratives, de l’existence et du contenu de cette note.

Le Ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (Direction générale des affaires juridiques) saisit cette occasion pour renouveler à Leurs Excellences les Chefs de Mission diplomatique et les Chargés d'affaires a.i. accrédités au Canada les assurances de sa très haute considération.

Ottawa, le 28 mars 2014