Conseil de sécurité des Nations Unies Débat ouvert sur les enfants et les conflits armés - Déclaration prononcée par S.E. M. Richard Arbeiter Ambassadeur et représentant permanent adjoint du Canada auprès des Nations Unies
New York, 2 août 2019
Madame la Présidente,
Monsieur le Président,
J’ai le plaisir de prendre la parole au nom du Groupe des amis des enfants touchés par les conflits armés, un réseau informel de 42 États membres intéressés, représentant les cinq groupes régionaux des Nations Unies .
Nous tenons à remercier les présentateurs d’aujourd’hui, en particulier Mme Kamara et M. Awan, pour leur témoignage personnel éloquent.
Le Groupe est consterné par l’ampleur et la gravité des violations commises contre les enfants, comme l’atteste le rapport du Secrétaire général. En ce 10e anniversaire de la résolution 1882, nous sommes particulièrement préoccupés par la forte augmentation des cas de meurtres et de mutilations d’enfants.
Nous exhortons toutes les parties engagées dans un conflit armé à s’acquitter pleinement des obligations qui leur incombent en vertu du droit international humanitaire, des droits de la personne et du droit des réfugiés, et à mettre en place des mesures concrètes efficaces pour protéger les enfants dans les conflits armés.
À cet égard, nous nous réjouissons de la signature récente de plans d’action et de l’engagement direct du Représentant spécial du Secrétaire général, M. Gamba, avec les parties belligérantes pour mettre fin à ces graves violations. Cependant, les plans d’action ne sont que des moyens d’atteindre une fin et non une fin en soi. Sans une mise en œuvre efficace et rapide, ces plans ne permettront pas d’éliminer les souffrances des enfants dans les conflits armés. Par conséquent, la simple signature d’un plan d’action ne devrait pas servir à elle seule à être radié de la liste du rapport annuel du Secrétaire général sur les enfants et les conflits armés (ECA). Nous saluons donc les efforts déployés par les Nations Unies et le Groupe de travail du Conseil de sécurité sur les ECA pour donner suite aux plans d’action et encourager leur mise en œuvre.
Le Groupe se réjouit de la libération récente de plus de 13 600 enfants des forces armées et des groupes armés ainsi que du travail de la Coalition mondiale pour la réintégration des enfants soldats. Nous soulignons l’importance des efforts globaux et communautaires de réadaptation et de réinsertion à long terme pour fournir une aide aux enfants et empêcher leur réenrôlement, notamment dans les zones autrefois contrôlées par Daech. Les enfants anciennement associés à ces groupes devraient être traités en premier lieu comme des victimes, conformément à la résolution 2427. La détention des enfants dans les conflits armés ne devrait servir qu’en dernier recours et pour la durée la plus courte possible, dans le plein respect du droit international humanitaire et du droit international des droits de la personne en vigueur. Autrement, elle ne fera qu’engendrer de futurs conflits.
Le Groupe est fermement convaincu que la protection des enfants touchés par les conflits armés doit être au cœur des programmes de prévention, de développement et de maintien de la paix.
Nous applaudissons également le lancement de la campagne « Agir pour protéger » destinée à catalyser l’attention mondiale et les efforts visant à prévenir les six violations graves commises contre les enfants et à y mettre fin. En effet, plusieurs outils pratiques de protection sont à la disposition des États membres, notamment la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, les Principes et Engagements de Paris et les Principes de Vancouver. Nous demandons aux États membres de renforcer davantage la protection des enfants dans les conflits armés, notamment en ratifiant le premier Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, et d’envisager d’entériner ces engagements.
Le Groupe souligne la contribution des organisations régionales et sous-régionales, comme le reconnaît la résolution 2427, à la prévention des violations graves en renforçant le cadre normatif, en échangeant des pratiques exemplaires, en mobilisant des ressources, en coordonnant l’aide humanitaire, en faisant pression sur les parties belligérantes et en tenant compte des dimensions transnationales du recrutement des enfants. Les Groupes régionaux des amis des ECA peuvent également jouer un rôle utile à cet égard, et nous applaudissons la création récente d’un tel groupe au Mali.
Nous nous réjouissons des autres mesures adoptées par le Conseil de sécurité cette année qui contribuent à la protection des enfants dans les situations de conflit armé. Il s’agit notamment de la résolution 2467, qui vise à adopter une approche axée sur les victimes de la violence sexuelle dans les conflits et les enfants nés de viols en temps de guerre, de la résolution 2474, qui traite des enfants disparus pendant des conflits armés, et de la résolution 2475, qui met l’accent sur les besoins particuliers des enfants handicapés dans les conflits armés.
Le Conseil de sécurité devrait continuer de défendre la protection des enfants en déployant des conseillers à la protection des enfants dans les opérations de maintien de la paix. Toutefois, des ressources suffisantes sont également nécessaires pour mener à bien ces missions. Par conséquent, il faut éviter de réduire les effectifs et les budgets des postes de conseillers à la protection des enfants ainsi que les efforts de consolidation qui mineraient la capacité des Nations Unies à s’acquitter des mandats cruciaux en matière de protection des enfants mis de l’avant par le Conseil de sécurité.
Enfin, le Groupe tient à souligner que la lutte contre l’impunité et la responsabilisation sont essentielles pour prévenir les violations graves. Nous saluons donc les efforts de la Cour pénale internationale contre les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, y compris le recrutement d’enfants, et prenons note de la récente condamnation de Bosco Ntaganda à cet égard. Mais nous devons rappeler qu’une véritable justice nécessite des réparations et un soutien psychosocial pour les victimes de ces crimes de guerre, dont le traumatisme peut durer des années.
Madame la Présidente,
Monsieur le Président,
Permettez-moi maintenant de faire quelques remarques supplémentaires en ma qualité de représentant national.
Je voudrais tout d’abord remercier chaleureusement Mme Kamara et M. Awan pour leurs exposés très éclairants. Nous sommes honorés que Mme Kamara ait fait du Canada sa patrie, enrichissant ainsi davantage notre pays multiculturel. Son courage et sa résilience nous inspirent tous.
Comme l’indique clairement le rapport du Secrétaire général, la situation des enfants en Syrie, au Yémen et dans d’autres régions touchées par des conflits est catastrophique. Dire que nous sommes déçus que le Conseil ne parvienne pas à maintenir la paix et la sécurité internationales dans ces cas et d’autres encore serait un euphémisme flagrant, surtout si l’on considère le nombre d’enfants qui ont été tués ou mutilés simplement en raison de leur lieu de naissance et du moment où ils sont nés. La lutte contre la vulnérabilité face aux violations graves ne relève toutefois pas de la seule responsabilité du Conseil. Nous avons tous un rôle à jouer.
Les efforts du Canada ont surtout porté sur l’élaboration des Principes de Vancouver sur le maintien de la paix et la prévention du recrutement et de l’utilisation d’enfants-soldats. Les Principes de Vancouver sont un ensemble de 17 engagements politiques visant à entreprendre des mesures en vue de prévenir le recrutement et l’utilisation d’enfants par les forces armées et les groupes armés dans les opérations de maintien de la paix des Nations Unies. En témoignage de l’importance de cette question pour les États membres, 91 pays de tous les groupes régionaux ont endossé les Principes de Vancouver depuis leur lancement en 2017. Le Canada encourage les États qui n’ont pas encore endossé les Principes de Vancouver, ou les Principes de Paris, à le faire sans tarder.
Bien que l'appui politique soit important, nous reconnaissons qu'il ne suffit pas, à lui seul, pour apporter des changements. C’est pourquoi, au cours de la dernière année, le Canada a collaboré avec les Nations Unies, la société civile et les États membres à l’élaboration de lignes directrices de mise en œuvre des Principes de Vancouver. Ce nouvel outil, lancé hier aux Nations Unies, se révèle une ressource pratique pour les organisations militaires, policières et civiles qui participent à des opérations de maintien de la paix des Nations Unies. De plus, il offre une perspective axée sur l’égalité entre les sexes à nos efforts, en reconnaissant les répercussions distinctes du recrutement des enfants chez les garçons et les filles.
Le Canada n’a pas tardé à mettre en œuvre ces lignes directrices. En juin, le ministre de la Défense nationale du Canada a annoncé la création du Centre d’excellence Roméo Dallaire pour la paix et la sécurité, au sein de l’Académie canadienne de la Défense dirigée par le contre-amiral Cassivi, qui est assis derrière moi. L’objectif initial de ce centre d’excellence sera de soutenir la mise en œuvre des Principes de Vancouver par nos forces armées. Le Canada fournira aussi à l’Initiative Roméo-Dallaire pour les enfants-soldats une contribution de plus d’un million de dollars sur cinq ans pour l’exécution de recherches et la définition de leçons tirées et de pratiques exemplaires relatives à la prévention du recrutement et de l’utilisation d’enfants-soldats.
Madame la Présidente,
Monsieur le Président,
Le Canada défend depuis longtemps la cause des enfants dans les situations de conflit armé. Durant notre dernier mandat au Conseil de sécurité en 1999-2000, nous avons présenté le premier débat thématique sur les enfants et les conflits armés. Nous avons tous fait beaucoup de chemin depuis, collectivement, mais il reste encore beaucoup de travail à faire. Si nous sommes élus pour siéger au Conseil de sécurité en 2021-2022, nous continuerons à travailler avec tous les États membres pour placer la protection des enfants au centre des efforts de paix et de sécurité.
Merci.
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