Déclaration au nom de 62 États membres représentant les cinq groupes régionaux des Nations unies ainsi que l’Union Européenne, Visioconférence ouverte du Conseil de sécurité sur les violences sexuelles liées aux conflits
Le 17 juillet 2020
Monsieur le Président,
J’ai l’honneur de présenter la présente déclaration au nom de 62 États membres représentant les cinq groupes régionaux des Nations uniesFootnote1 ainsi que l’Union Européenne. Nous remercions l’Allemagne et la République dominicaine d’avoir coorganisé cet important débat sur les violences sexuelles liées aux conflits : Turning Commitments into Compliance. Nous saluons le dernier rapport du Secrétaire général sur les violences sexuelles liées aux conflits.
Le Groupe souhaite exprimer ses vives inquiétudes sur les multiples effets négatifs de la pandémie de COVID-19 sur toutes les victimes et survivants de violences sexuelles dans les conflits, qui limite notamment leur capacité à signaler les incidents et à avoir accès à de l’aide et aux services essentiels, y compris les services de soins de santé sexuelle et procréative. Le Groupe est également préoccupé par le fait que la pandémie actuelle a aggravé davantage les risques de violences sexuelles et fondées sur le genre, en particulier dans les régions du monde touchées par des conflits, et qu’elle a nui, voire fait reculer dans certains cas, les progrès réalisés en matière d’égalité des genres, d’autonomisation et de jouissance des droits fondamentaux des femmes et des filles. Le Groupe souligne l’importance de répondre à la pandémie par des interventions globales basées sur les droits de la personne, centrées sur les personnes, et qui tiennent comptent des différences entre les genres d’une part, mais aussi des besoins et de la dignité des victimes et des survivants de violences sexuelles liées aux conflits.
Nous sommes indignés par la perpétration persistante et généralisée de la violence sexuelle et fondée sur le genre dans les conflits armés. Utilisée comme une tactique de guerre, de terrorisme, et comme un outil de répression politique dans des contextes fragiles pendant et après les conflits, la violence sexuelle constitue une violation flagrante et inacceptable du droit international dont le droit humanitaire international et du droit international relatif aux droits de la personne. Les femmes et les jeunes filles sont affectées de manière disproportionnée par la violence sexuelle et fondée sur le genre, particulièrement celles qui subissent des formes multiples et croisées de discrimination et celles qui appartiennent à des groupes marginalisés, notamment les réfugiées et les migrantes, les personnes déplacées internes, les autochtones et les personnes handicapées. Les victimes et les survivants sont souvent des membres réels ou présumés d’une minorité politique, ethnique ou religieuse persécutée, ou d’un autre groupe. Nous sommes notamment consternés par la conclusion du rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, qui constate que la violence sexuelle et fondée sur le genre, notamment en situation de conflit, est souvent liée à la montée des discours misogynes, sexistes et diverses formes de discours haineux des dirigeants politiques. Dans ce contexte, investir des efforts pour s’attaquer aux causes structurelles profondes de telles violences sexuelles et fondées sur le genre, incluant les inégalités de genre, doit constituer une priorité absolue pour prévenir la violence et garantir que les droits fondamentaux des femmes et des filles sont promus et protégés. Pour ce faire, nous ne devons pas voir la COVID-19 et le fléau de la violence sexuelle et fondée sur le genre comme des défis indépendants, mais comme des questions fondamentalement interconnectées.
Assurer la justice et l’imputabilité comptent parmi les moyens de prévention les plus efficaces. Un climat d’impunité, de peur et de stigmatisation décourage les dénonciations, sape l’aide centrée sur les survivants et encourage de nouvelles violations. Ceci touche aussi les hommes et les garçons qui font souvent face à des obstacles sociaux, juridiques et culturels spécifiques les découragent de signaler les actes de violence. Les auteurs de violences sexuelles dans les conflits armés doivent rendre compte de leurs actes, leurs crimes doivent faire l’objet d’une enquête approfondie et être documentés rapidement, et l’on doit maintenir en place une aide juridique et des mesures de protection efficaces, ainsi que des cadres et institutions juridiques convenables afin d’engager des poursuites effectives des crimes de violence sexuelle dans les conflits. Nous soulignons également la nécessité d’assurer une formation adéquate sur les droits de la personne et la prévention de la violence des forces de sécurité chargées de protéger la population civile. Nous reconnaissons le fait que le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) inclut désormais les crimes sexuels et les crimes liés au genre dans la liste des crimes les plus graves de portée internationale. Pour que les victimes et les survivants puissent profiter d’un accès à la justice égal, adéquat et global, il faut également qu’ils puissent accéder à un soutien financier – une condition que les survivants, tous conflits confondus, estiment prioritaire pour être en mesure de reconstruire leur vie et se remettre de leurs traumatismes et de leur stigmatisation sociale. En outre, nous encourageons le Conseil de sécurité à recourir à des sanctions et à d’autres mesures ciblées afin d’améliorer la conformité. Le Groupe encourage l’Équipe d’experts de l’état de droit et des questions touchant les violences sexuelles commises en période de conflit à poursuivre ses efforts pour renforcer les capacités des institutions nationales de l’État de droit. Nous encourageons également le réseau Action de l’ONU contre la violence sexuelle dans les conflits à continuer à renforcer les activités de sensibilisation, à améliorer la coordination et la responsabilisation et à soutenir les efforts déployés par les pays pour prévenir les violences sexuelles liées aux conflits et répondre aux besoins des victimes et des survivants.
L’imputabilité doit s’accompagner d’un soutien multisectoriel efficace envers les survivants et leurs communautés, qui peuvent souffrir de traumatismes profonds et de stigmatisation sociale longtemps après la fin du conflit. Nous encourageons donc tous les États membres à adopter une approche centrée sur les survivants et sur les droits de la personne afin de pouvoir prévenir la violence sexuelle et fondée sur le genre ou d’y répondre durant et après les conflits. Nous devons redoubler d’efforts à tous les niveaux pour faire en sorte que les survivants ont accès à une gamme complète de services de santé mentale et de soutien psycho-social, de moyens de subsistance, de services juridiques et de soins de santé non discriminatoires. Nous devons nous montrer solidaires envers les survivants, non seulement en paroles, mais aussi en actes, en défendant avec ferveur leurs droits et leur capacité d’agir, et d’autant plus alors que les survivants sont confrontés à des crises multiples. Une approche globale et holistique de la responsabilité, qui place les victimes et les survivants au centre de toutes les interventions, comprend des principes de participation, de transparence, de non-discrimination, d’autonomisation et de durabilité.
En outre, nous ne pouvons pas laisser l’impact de la COVID-19 éroder nos efforts de prévention et de réponse et, par extension, menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Avant la pandémie, moins de 1 % de l’aide humanitaire était consacrée aux services de lutte contre la violence sexuelle et fondée sur le genre, et nous craignons que la pression s’intensifiera afin de réduire encore davantage les ressources essentielles à ce secteur. Nous réclamons donc l’augmentation du financement des programmes axés sur l’égalité des genres, la lutte contre la violence fondée sur le genre et l’accès de tous aux soins de santé sexuelle et procréative et faire en sorte que chacun puisse exercer ses droits en matière de procréation, ainsi qu’il a été décidé dans le Programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement et le Programme d’action de Beijing et les documents finaux des conférences d’examen qui ont suivi, ainsi qu’une meilleure intégration des questions de genre dans tous les programmes visant la paix, de la sécurité et les interventions humanitaires.
Le groupe souhaite également souligner l’importance de la participation des conseillers pour la protection des femmes et des enfants dans les opérations de paix des Nations Unies, qui améliorent la coordination et la qualité des informations disponibles sur les tendances observées dans les actes de violences sexuelles liées aux conflits, et qui favorisent une intervention précoce. Reconnaissant le rôle important que les missions des Nations Unies jouent sur le terrain en matière de prévention, le Groupe accueille favorablement la récente publication du manuel sur la prévention et la réponse aux violences sexuelles dans les conflits destinés aux missions de l’ONU sur le terrain.
En conclusion, comme l’a déclaré le Secrétaire général, le Groupe souligne que la violence sexuelle dans les conflits ne se produit pas « dans le vide » et qu’elle s’inscrit plus largement dans le cadre de l’Agenda Femmes, Paix et Sécurité. En prévenant et luttant efficacement contre la violence sexuelle dans les conflits, nous assurons la participation entière, égale et réelle des femmes et des filles dans les processus décisionnels et dans tous les aspects liés à la paix et à la sécurité. C’est pourquoi nous sommes si profondément préoccupés par la multiplication des rapports qui font état d’attaques contre les femmes défenseures des droits de la personne et des femmes qui agissent pour la consolidation de la paix, ainsi que par le recul de plusieurs femmes dans les postes de direction importants liés aux processus de paix et de justice transitionnelle que dans l’espace civique de manière plus générale.
En cette année historique qui marque le 20e anniversaire de l’adoption de la résolution 1325 du Conseil de sécurité, du 25e anniversaire de la Déclaration de Beijing, et du 75e anniversaire des Nations Unies, et dans le contexte de la pandémie actuelle, il est grand temps d’agir pour mettre fin aux violences sexuelles dans les conflits.
Merci.
Signaler un problème sur cette page
- Date de modification: